mercredi 10 février 2010

La nuit d'un été bourgeois

Adel El Zaïm

La nuit d’un été bourgeois




Chapitre 1

Feu et impartialité


Je vous raconte une histoire vraie sur la vie tumultueuse de Marion, la
jeune étudiante bourgeoise que j’ai rencontrée à Paris en1968, au début des grandes manifestations célèbres. C’était juste à ‘’la nuit des barricades’’ brûlées au quartier latin, le 10 mai 1968.

A cette époque, j’habitais dans une chambre louée à la Cité Universitaire, au sud de la ville, et suis descendu le matin, à pieds, en prenant l’avenue René Coty, puis le boulevard Denfert-Rochereau, pour arriver, enfin, au long du boulevard Saint Michel, aux environs de la Sorbonne; malgré que je susse qu’il n y avait pas des cours à la faculté des lettres, où je fais mes études supérieures .

Les troubles surgis, il y a une semaine, à cause de l’évacuation, par la police, des étudiants réunis, sous la grande coupole avec les représentants de l’UNEF,ont provoqué l‘arrêt des cours .

A mon arrivée, les chefs du mouvement étaient en train d’organiser des regroupements de étudiants défenseurs de leur cause, avec un air de guerriers obsédés, derrière les barricades . Dans l’attente des nouvelles manifestations des autres universités de Paris, d’après l’appel à une grève générale des étudiants, les nerfs sont restés vifs .

J’avais en ce moment là, seulement six mois en France, depuis que j’ai quitté l’Alexandrie. C’est pourquoi j’étais presque perdu dans ce dilemme politique-social . Je connaissais quelques étudiants étrangers, venus de tout bord, installés dans des bâtiments de la Cité Universitaire, mais je n’avais pas d’amis, français ou non, à la faculté des Lettres.

J’ai bien compris le pourquoi des protestations des étudiants contre la société de consommation. Elles accusent l’indifférence ou l‘impassibilité du monde capitaliste réactionnaire et son refus de changer les méthodes éducatives existantes afin d’arriver à des systèmes modernes ayant la qualité d’ouvrir plus de possibilités de participation des jeunes à la vie économique et sociale. Franchement, j‘étais carrément conscient de leur cause, exprimée

-- 5 --

d ’ailleurs très brillamment par des lustres d’orateurs jeunes; j’ai deviné, presque avec une certitude, que ces manifestations auraient une impulsion missionnaire future de grande envergure et de grande ampleur.

.
Mais moi, étant un nouvel étudiant étranger, je n’avais aucun contact politique ou syndical, ni avec des collègues de mon diplôme, ni avec des organisations ou associations estudiantines, ni même avec l’ensemble des étudiants de toutes les facultés à Paris.

Or, j’ai opté de m’éloigner un peu du secteur des troubles et réfugié dans un petit café au boulevard de Saint Germain.

A peine j’ai commencé à lire mon journal à une table miniature à l’intérieur du café, et boire lentement mon café; une jeune grande fille, bien élégante, d’une vingtaine d’année, est venue s’asseoir à la petite table du côté. Elle a demandé une orange pressée, avec un ton amalgamé d’une certaine nervosité que le garçon n’a pas fait attention, heureusement; mais j’ai présumé qu’elle était ennuyée à cause du désordre qui régnait dans tout le quartier . Elle tournait la tête, à gauche et à droite, comme si elle cherchait quelqu’un puisse partager ses inquiétude. J’étais le plus proche d’elle, je n’ai pas hésité à intervenir et lui demander si elle est également étudiante empêchée de suivre les cours, comme moi . .

Elle a répondu très brièvement, qu’elle est inscrite à la faculté des lettres. Donc, elle était, de fait, dans la même faculté que moi, mais à la première année, de licence es lettres, tandis que moi, je suis dans le secteur des hautes études, préliminaires au Doctorat.

Nous avions, apparemment, huit ans de différence d’âge, parce que j’était en retard pour venir en France, continuer mes études supérieures.

Le garçon et revenu avec la tasse du jus, et elle a lentement commencé à avaler la boisson .

On entendait de plus en plus les hurlements des voitures de police et le bruit des heurts violents dans la rue de Saint Michel . Alors, je lui ai proposé qu’on aille prendre quelque chose dans un endroit beaucoup plus calme . Elle a répondu qu’il n y a que le Drug Store, à l’étage, sur le même boulevard, qu’on peut y avoir la tranquillité .

Nous avons quitté le café et marché ensemble sur la chaussée gauche , en parlant des derniers événement et essayant de réfléchir sur l’avenir et deviner les suites .

Elle m’a paraissait, en parlant du sujet brûlant qui nous occupe, tellement brillante à son age, avec une vivacité étonnante d’esprit; mais son accent parisien à une tonalité ferme prolongée , me disait qu’elle doit être une
-- 6 --

fille d’une de ces familles bourgeoises qui habitent le boulevard de Saint Germain ou la rue du Bac, dans l‘arrondissement limitrophe .

Quand nous sommes arrivés au salon du thé du magnifique immeuble, situé sur l’ongle entre le boulevard et la rue de Rennes ,elle a été reçue par le maître d’hôtel avec un distinct respect . Il nous a conduit, lui-même, à une table privilégiée, connue par lui seul .

Une fois nous sommes assis, elle m’a dit « Vous êtes mon invité », et a commandé deux coupes de glaces, après m’avoir assuré que son choix me plaira, sans doute . J’étais un peu confus, à cause de mes coutumes qui laissent exclusivement aux hommes la tâche de s’occuper des charges ou frais, en présence des femmes qui les accompagnent. J’ai dit donc: «  A conditon que vous acceptiez qu’on déjeune ensemble, vers midi, dans un restaurant du quartier  ». Elle a dit qu’elle est tout à fait d’accord pour passer ainsi le temps avec moi, puisqu’il n’y a pas des cours à suivre aujourd’hui.

Le garçon est revenu avec deux énormes glaces ‘’ Fuji Yama‘’, sur lequelles on avait fixé, à travers la crème de Chantilly, deux miniatures du drapeau japonais. Elles étaient délicieuses . J’ai remarqué le plaisir de ma collègue à diviser les boules et les ingrédients avec un long cuillére tenu par les trois doigts de sa main droite, qui montait et descendait régulièrement vers ses lèvres pulpeuses.

Elle a relevé la tête et m’a posé une question: «  Vous n’êtes pas français, je présume; mais vous parlez bien notre langue! » J’ai pensé, tout de suite, qu’elle me prenait pour un produit exotique, ce qui est vrai en quelque sorte ; je lui ai répondu que je suis égyptien alexandrin; je m’appèle Adib, prononcé Adïb, écrit par les Anglais Adeeb; je suis né d’un père arabe et d’une mère belge wallonne et c’est grâce à ma mère que je parle plus ou moins bien le Français, à côté de l’arabe. Je me suis dit qu‘avec cette dernière information, je serais, pour elle, seulement un demi - exotique !

Elle a dit «  Je connais l’Alexandrie. J’ai passé, il y a deux ans, au cours d’une croisière à l’Est de la Méditerranée, un jour et une nuit dans cette ville magnifique . Puis elle a ajouté que son prénom est ’’ Marion‘’, et que c’était sa mère qu’elle l’a choisi, parce qu’elle aimait Victor Hugo et adorait son œuvre intitulé ’’ Marion de Lorme ’’, pièce dramatique de1831 ; mais ce prénom ancien est devenu, selon elle, démodé à notre temps. .

J’ai répondu qu’au contraire, je le trouve séduisant, fascinant et musical !  Elle était tout à fait satisfaite de ce que je lui ai dit; j’ai remarqué par là, que les moindres compliments, adressés à elle, comble sa béatude, comme un enfant cajolé .

Par ailleurs, j’ai précisé que mon prénom ’’Adib ‘’ signifie en arabe : « un littéraire » et «  un poli » , que ça tombe parfaitement bien à présent, pour un garçon sage comme moi qui étudie la ‘’littérature’’ . Elle a ri ; puis
-- 7 --

nous sommes allés dans un petit restaurant situé sur le côté gauche du boulevard, décoré à la façon de l’architecture de1900 et réputé des bons plats.

A la fin du repas ,elle m’a demandé où j’habite; j’ai dit « dans une chambre à la Maison de Norvège dans la Cité Universitaire » . Alors elle a tout de suite dit « Qu’est ce que vous pensez si on fait une promenade, après finir de manger, au parc Montsouris qui est en face de la Cité Universitaire » , j’ai répondu « Oui, absolument, puisque nous n’avons pas de cours ! ». Elle a ri encore une fois .

Nous avons pris le train à la gare de Luxembourg, et une vingtaine de minutes plus tard, nous étions assis sur un banc au bord du lac, au milieu du parc.

Les deux heures que nous avons passé ensemble, m’ont permis d’avoir un aperçu sur son caractère et sa mentalité.

Elle avait un goût très raffiné pour les belles choses, les couleurs nuancées de la nature, les gestes de tendresse des mères et leurs enfants se promenant dans le parc, les chants un peu tristes, alternatifs ou simultanés des merles, juchés sur les hauts des arbres, la douceur de nage des cygnes traversant le lac avec fierté, les murmures des miniatures cascades d’eau éparpiées ça et là …..

Quand elle parle, on peut tâter l’intellect à ses mots éloquents, ses expressions si appuyées, ses phrases bien séléctionnées, sa tonalité de voix parfaitement accordée avec ses propos . Son style métaphorique de construire la parole vous donne l’impression qu’elle faisait un discours rhétorique, zélé et euphorique.

Quand elle écoute, elle réfléchit un peu avant de répondre à son interlocuteur, pour lui épargner d’entendre des contradictions troublantes, des jugements hâtifs, ou simplement des dires de bêtises .

J’ai beaucoup apprécié, quand elle parlait particulièrement des gens, professeurs, étudient,hommes politiques, journalistes, penseurs et autres, elle ne disait jamais du mal, ni pour eux, ni pour personne. Elle a dit que chacun a sa vertu à lui, qu’il faut la respecter par tout le monde . Mais elle a précisé qu’il ne faut pas exagérer les compliments ; car, l’obséquiosité risque de se transformer en moquerie au lieu du respect .

En ce qui concerne le mouvement des étudiants , elle disait qu’il faut attendre les suites des évènements , pour savoir qui avait raison et qui avait tort ; j’ai noté , en général, qu’elle est pour la logique plutôt que pour l’émotion, pour l’éthique plutôt que pour l’équité, pour la justice plutôt que pour l‘apologie des bonnes causes; bref, elle avait un jugement moral sur le
mouvement, trop influencé par son éducation bourgeoise .
-- 8 --

Elle a donc été, par rapport à ces événements, naïvement impartiale ; mais cette attitude risque, à mon avis, pour elle-même comme pour d’autres, de se transformer en une impassibilté caractéristique de la mentalité bourgeoise qui redoutaient, en fait, un changement brusque de la société, dont leurs privilèges mêmes pas reconnus par la grande majorité des français, soient compromis.

Le problème avec les bourgeois, c’est qu’on a souvent l’impression,
quand on parle avec ceux, qu’ils se sentent devant un ’’autrui’’, même quand il s’agit d’une connaissance de longue durée ; tandis qu’avec les autres des gens normaux , on est un  ’’ semblable’’ de deux côtés; dans ce cas le temps écoulé n’y compte pas.

Mais avec Marion, dans le cadre de son attitude vis-à-vis des autres, était différente; elle me paraissait très sincère, directe et franche. Quant à ses opinions exprimées pendant notre promenade, sur plusieurs sujets, elles me semblaient s’appuyer, en général, sur l’intellect universel, et non sur des doctrines rudoyées ou sur des dogmes religieux, strictes , parfois arbitraires .

Sur un sujet spécifique, concernant la relation entre l’homme et la femme, elle ne trouvait aucun vice dans le naturel qui doit imprégner leur existence, dans tous les domaines, amour compris; sauf en cas de mensonges ou de manipulations ; mais j‘ai constaté, malgré tout, que la subtilité de ses paradoxes était encadrée par la raison. Elle pensait, par exemple, que l’emportement de la jeunesse par la liberté sexuelle n’est qu’un prétexte pour dire que l’homme nouveau vient de naître, que la femme est arrivée à l’âge véritablement mûr, sous des principes d’égalité avec l’autre sexe .

Moi ,je ne suis pas d‘accord avec elle. Simone de Beauvoir n’avait -elle pas dit que la femme d‘aujourd‘huit est inventée par la société bourgeoise?

Marion est sans doute bourgeoise sur plusieurs plans, mais d’une bourgeoisie rationnelle et moderne, sans provocations, ni revendications excessives, ni manifestations inutiles ou absurdes .

Certains aspects bourgeois se montrent, pourtant, clairement, dans son habillement; peut- être inconsciemment et involontairement. Par exemple, ses habits de cet après-midi là, étaient simples et sombres, bien cadrés avec son corps, sans bijoux ni ornements; mais elle mettait autour de sa nuque un foulard incarnat de différentes nuances, qui faisait, à mon avis, son hymne prodige d’élégance, là où il faisait le contraste révélateur de l’estétique.

Vers19 heures, nous nous sommes dirigés à la gare de la Cité Universitaire, pour que Marion prenne le train de retour à Paris.

Avant de descendre sur le quai, nous avons entendu de la bouche des
-- 9 --

passagers venant de la gare de Luxembourg, que la situation est devenue tellement grave dans le boulevard de saint Michel, et tout le quartier latin. Ils nous ont vivement déconseillé d’aller à la gare de Luxembourg dans ces conditions.

Marion m’a alors demandé si j’ai un poste de radio chez moi, à la Maison de Norvège. J’ai dit « Oui , j’en ai un dans ma chambre et il y a aussi la salle de la télévision où nous pouvons suivre les évènements en direct , puis vous pouvez décider, à votre guise, quand et comment vous retournez chez vous. Dans le Quartier Latin, je suppose ?» Elle a répondu : « Oui. J’habite rue de Bac, dans le 7ème ; je retournerai ce soir après avoir écouté es informations chez vous».

La Maison de Norvège étant à cinq minutes de marche, nous avons pris les petits chemins verdoyants de la Cité Universitaire, en marchant à pieds lents, bien accordés, sans souci apparent .

La salle de la télévision était fermée; il a été marqué sur la porte qu’elle ne serait ouverte qu’à vingt heures . Alors, nous sommes amenés à monter dans ma chambre au 4ème étage . Nous nous sommes précipités vers le poste de radio pour écouter les dernières nouvelles . En effet, nous avons appris qu’il y avait des véritables batailles entre la police et les étudiants dans la rue deSaint Michel et dans d’autres rues limitrophes; qu’il y avait des blessés de deux côtés; que certaines barricades sont brûlées, et la situation s’aggravait heure après heure.

Marion n’était pas inquiétée outre mesure. Elle a pris calmement une des deux chaises qui étaient rangées l’une à côté de l’autre près de mon lit, et commencé à feuilleter un journal qu’elle a trouvé ouvert sur l’autre chaise. Elle a dénoué son foulard que j’ai soigneusement accroché sur le mur .

La radio , ouverte à fond, décrivait en direct les incendies des voitures des habitants du quartier et la brûlure des barricades qui s’y trouvaient. Il s’est avéré que l’attente sera longue; alors, j’ai proposé à Marion qu’on mange des biscuits et des fruits, gardés dans ma chambre, pour consommer quand je ne sorts pas le soir . Elle a dit qu’elle avait faim et elle commencé à manger après avoir pris un verre de Martini rouge, l’apéritif que je prenais de temps en temps ,avant les repas aux restaurants universitaires où il n y a que du vin.

Nous avions vraiment l’appétit pour manger, malgré les événements qui s’aggravaient toujours selon la radio, avec le temps qui passait .

Brusquement, Marion s’est levée pour fermer la radio; puis elle m’a jeté un regard rapide et dit « Si on fait l’amour, en attendant ! » et a directement commencé à se déshabiller !

En dépit de ma surprise; j’étais considérablement éperonné par la
-- 10 --

beauté de son corps, ébahi par la facilité de se mettre en nudité en quelques secondes. Elle était devenue beaucoup plus belle qu’habillée; chose inhabituelle, selon certains, que les femmes sont esthétiquement mieux habillées que nues. Chacun a son opinion là- dessus .

Son visage est devenu plus égayé ; ses yeux plus brillants; ses joues plus rouges, ses lèvres plus pulpeuses; bref, elle était une Vénus parfaite qui se lève de son coquillage.

Nous sommes restés au lit jusqu’à l’aube, quand la radio annonça que ‘’la nuit des barricades’’ durait encore. Puis nous nous avons fermis la radio et dormis épuisés. A dix heures du matin, nous sommes réveillés par une bonne qui frappait à la porte, pour entrer nettoyer la chambre.

J’ai demandé gentiment à l’employée de revenir dans une demi- heure en lui offrant un petit pourboire, puis j’ai précipité pour m’habiller, chercher dans le couloir, deux gobelets du café noir bien chaud. Elle s’est habillée beaucoup plus lentement que se déshabiller . Puis, elle a fait sa toilette, en chantonnant, devant le miroir qui se trouvait dans la chambre . Elle était gaie, souriante et désinvolte; elle m‘a familièrement embrassé sur les joues en disant « C‘était, pour moi, une agréable soirée que nous avons passée ensemble, bien loin des troubles et des barricades brûlées , et Vous? » J‘ai répondu qu j’ai les mêmes sentiments, pas moins, pas plus; car, j’ai senti de sa phrase un ton d’indifférence et de banalité, qui m’a rendu perplexe . A-t-elle fait l’amour uniquement pour évacuer son ennui? Pour tuer le temps qu’elle avait trouvé long pendant ’’ la nuit des barricades’’ ?

Nous avons pris ensemble le même train , pour la même destination , la Gare de Luxembourg, en parlant d’autres choses .

Au terminus , elle m’a donné son numéro de téléphone, et disparue, je ne sais pas où !

Nous nous sommes rencontrés, quelques semaines plus tard. Les choses vont être compliquées avec Marion .Je vais vous dire comment .
.

Chapitre 2

La mère amoureuse


L’enchaînement des conflits politiques et sociaux n‘a pas été dénoué par le départ subit et discret du général de Gaule en Allemagne pour rencontrer les chefs de troupes françaises installées là-bas, ni par son allocution très vive et menaçante du 30 mai1968. Au contraire, la droite et la bourgeoisie ont montré qu’elles étaient capables d’utiliser toutes leurs forces en face des étudiants rebelles, d’ organiser sur les Champs Elysées une manifestation aussi importante que celle faite, il y ait deux semaines, par la CGT, la classe ouvrière et la gauche progressiste et intellectuelle, tous réunis. Mais les étudiants n’ont pas jeté leurs armes et les manifestations des universitaires- syndicaux-intellectuels et citoyens sympathisants ont continué de se répéter, pour être réprimées encore une fois par la police, puis réorganisées, et cela a, presque quotidiennement, duré jusqu’au mi-juillet.

J’ai évité pendant ce temps des agitations renouvelées perpétuellement, de contacter Marion. Il sera dommage qu’on serait tentés à ne penser pendant nos entretiens qu’ aux présomptions qui auraient pu tourner dans nos têtes, à chaque fois qu’ on déborde un sujet plus ou moins délicat, en relation avec les évènements ; cela aurait gâché tout .

Ce n’était qu’au début Août que je lui ai proposé par téléphone qu’on se voit quelque part . Elle m’a textuellement répondu: « Venez chez moi; c’est plus simple; je serais ravie de vous revoir ! » et elle m’a donné son adresse et le code de la porte de son immeuble, à la rue de Bac .

Il était seize heures le soir, et notre rendez-vous à dix neuf heures . Je me suis pressé de me raser, une deuxièmes fois qu’au matin, de prendre le train puis le metro et acheter des fleurs à offrir à ma hôte .

Elle m’a reçu avec un large sourire dans son studio trop éclairé dont le décor montrait son goût distingué dans le choix des meubles et les couleurs des rideaux, en harmonie parfaite avec le reste.

Je me suis assis sur un fauteuil confortable, et elle s’est absentée un peu, dans la petite cuisine à côté . J’ai senti alors l’odeur d’un plat alsacien que je n’aimais pas tellement, à l’époque,’’ la choucroute’’ . J’étais un peu
-- 12 --

écœuré, mais elle est revenue avec un grand bol de ‘’taboulé à la libanaise’’ et deux petites assiettes . J’étais bien content ,même qu’elle prouvait cette fois là, qu’elle me prenait encore pour exotique, mais elle s’est trompée du pays . Elle m’a dit : «  C’est l’entrée. Vous voulez prendre un apéritif avant? » et elle s’est levée, sans attendre ma réponse, pour chercher une bouteille de wiski et deux verres en cristal .

Pendant le temps de prendre l’apéritif, elle ma demandé si je reçois des lettres de mes parents, si tout va bien dans la préparation de mon diplôme, si je suis toujours à la Cité Universitaire. J’ai répondu par ordre à ses questions ; puis j’ai dit : « Vous m’avez pas parlé encore de vous ». Elle m’a expliqué, d’une façon très familière, que sa mère qu’elle l’adore, a loué pour elle ce studio, pas loin de chez elle au boulevard de Saint Germain, depuis qu’elle fut arrivée à l’âge de dix huit ans,’’ pour qu’elle ait la liberté, de vivre comme elle veut’’ .

Alors je n’ ai pas compris si le mot ‘’elle’’ signifiait Marion elle-même ou plutôt sa mère. Elle a ajouté : « Vous savez; ma mère vie toute seule après la mort de mon père, il y a quatre ans déjà, qui était beaucoup plus âgé qu’elle . Elle a voulu que chacun puisse réaliser ses rêves et ses projets dans la vie. Pour le moment, c’est elle qui s’occupe de mes dépenses et mes charges personnelles jusqu’à la terminaison de mes études à l’université » .

Avec cette franchise les choses sont bien claires maintenant .Pour moi, sa mère voulu éloigner sa fille, pas trop loin d‘elle ; est- ce que pour exercer, elle-même, son entière liberté; mais de quoi? je me suis dit.

Marion a continué son discours sur la situation familiale : « Cela ne m’empêche pas de téléphoner, pour aller chez elle quand j’ai besoin de la voir, même si il n y a pas grande chose à aborder ou élaborer avec elle ; sauf tous les mercredi soir, quand elle reçoit ses amis et ceux de mon père défunt. Ce n’est pas tout à fait interdit , mais il faut la prévenir deux jours avant. C’est sa vie à elle qu’elle a tous les droit de l’organiser comme elle veut ! » J’ai dit::  « Oui, naturellement », mais j’étais pas totalement convaincu de l‘ensemble de ce qu‘elle a dit .

J’ai apprécié son taboulé, même que j’étais pas compétent de dégustation des plats étrangers; puis, elle m’a dit :«Ca ne vous dérange pas qu’on mange dans ma petite cuisine?» Elle m’a demandé de la suivre, sans toujours attendre mes réactions . C’est une manie à elle que j’ai notée tout à l’heure, mais c’était pour des choses qu’on ne peut pas en imaginer un refus .

La choucroute avec un bon riesling était passable. Le fromage alsacien à pâte molle, aussi. A la fin du repas, elle m’a dit : « ça vous dit si on prends un petit Cognac dans le salon? »Alors, cette fois là , j’ai quitté directement la table, parce que je connais maintenant ses manies, et je la remercié pour le diner en retournant à mon fauteuil.

-- 13 --

Après avoir avalé deux fois un Cognac, elle m’adit: « Nous devons nous tutoyer dorénavant ; non? . J’ai répondu avec un air sérieux: « Bien entendu, Marion » Elle a ajouté : « Nous pouvons danser alors? » Je ne sais pas pourquoi a-t-elle dit :’’alors ‘’, mais je me suis levé en entendant le début d’un slow qu’elle a fait jouer sur son gramophone d‘une chaîne HF..

Au deuxième ou troisième tour , j’ai commencé à la serrer plus fort dans mes bras et je l’ai embrassée sur la nuque dénudée . Elle ne m’a rien dit, pas par un consentement tacite de la chose , mais comme si c’était un rite de la danse .Cela ne m’a pas encouragé à répéter le geste. On dirait que si j’étais là , c’est pour qu’elle noue avec moi l’amitié profonde, pas l’amour .

A la fin du roulement de cinq ou six disques, j’ai dit: « Tu doit être fatiguée après avoir préparé le diner, me recevoir, parler et danser avec moi », elle m’a répondu sans aucune susceptibilité comme je faisais d’ordinaire moi-même : « Pas du tout . Je voudrais prendre encore un Cognac ; veux tu me partager à boire?. Alors ,je suis allé moi- même chercher la bouteille, à moitié vide, et verser un peu du liquide dans nos verres. Elle a regardé la bouteille qui en faisait le coassement des grenouilles et a murmuré en se relâchent dans son fauteuil: « Elle est encore à moitié remplie! »

Le troisième verre du digestif m’a fait craquer; mais elle restait bien éveillée et vive;contrairement à moi , plutôt écouteur que bavard, à cause de l’alcool; sa langue s’était largement libérée :

«  Tu sais; la vie est compliqué . Ma mère qui était fidèle à son mari, ne l’est plus à son souvenir . J’ai noté depuis quelque temps, qu’elle parlait au téléphone avec un homme, je crois qu’il fut médecin, chirurgien ou quelque chose comme ça . Mais la manière qu’ elle utilisait avec lui était tout à fait différente qu’avec les autres amis . Le problème n’est pas là, parce qu’elle libre de ne pas être fidèle à mon père après sa mort ; mais, en bien écoutant les communications à d’autres reprises, j’ai compris par ses réactions et ses répliques au téléphone que l’interlocuteur était un homme marié . Tu te rends compte? »

J’ai dit : « ça peut arriver; mais il peut s’agir d’une amourette passagère; il ne faut pas prendre ces choses là outre mesure! », mais elle n’a pas pris mon idée, trop libérale, comme convaincante.

Elle a ajouté en secouant la tête, signe de refus de mes commentaires : « Je l’ai vu une fois mettant son doigt sur la porte de l’appartement de ma mère, en dehors des mercredi, avec un sac de médecin dans l’autre main, tandis que moi, j’avais un rendez- vous avec elle . J’ai attendu que la bonne ouvre la porte. Il m’a regardé et dit délicatement: « Vous êtes Marion, sans doute; vous correspondez exactement à la description de Madame votre mère ». La porte s’est ouverte et je n’ai pas eu le temps de répondre.

-- 14 --

La bonne nous a conduit au salon et elle m’a chuchoté à l‘oreille: « Votre mère est souffrante depuis ce matin; elle avait une très haute température », puis elle nous a demandé, à tous les deux, de la suivre dans la chambre de Madame ! »

A notre entrée, Maman a ouvert les yeux, et nous a fait un bref sourire . Puis, avant de parler de son état de santé, elle a fait une présentation rapide entre nous deux : « Docteur Jean Philippe . Marion, ma fille » .Il a tourné sa tête vers moi, et m’a dit poliment:: « Ravi de vous connaître, Mademoiselle. Vous êtes charmante », puis il a pris la main de ma mère pour tâter son pou; il a regardé sa langue, écouté les battements de son cœur, mesuré la tension.. Puis il a commencé à écrire sur son carné des ordonnances les médicaments qu’il faut chercher , tout en rassurant Maman qu’ils’ agissait d’une grippe ordinaire et qu’elle va être guérie dans une semaine de repos, si elle prends régulièrement les médicaments . Il a baisé sa main, m’a dit au revoir, en me demandant gentiment, de veiller à elle.

Je suis restée deux ou trois jours chez Maman, jusque la température fusse baissée . Tous les matin et soir, Jean Philippe demandait de ses nouvelles, soit à moi-même soit à la bonne, pour ne pas gêner ma mère ».

Maman n’est pas une vieille femme, qu’un homme puisse jouer le Don Juan avec elle. Elle n’avait pas l’habitude, heureusement, de prendre à ses trente sept ans, un gigolo. Elle est beaucoup plus belle que moi, et deux fois plus cultivée ; mais elle est un peu naïve, peut-être à cause de son mariage prématuré à seize ans, qu’elle n’avait pas le temps pendant sa jeunesse de s’endurer, et avoir l’expérience nécessaire et suffisante dans la vie .

Elle essaye à présent de se défendre comme elle peut, en avoir des amis nombreux de tous les âges, en sortir avec des groupes ou participer à des incursions ou voyages organises, pour apprendre de chacun et de chacune ce qu’il lui manquait du savoir vivre . Elle veut se surpasser par les apparences, les réceptions mondaines, les dépenses excessives et les soirées extravagantes .

Elle a hérité de ses parents et de son mari défunt une fortune importante . Elle dirige, en outre, mes biens que j’ai hérités, moi aussi, et plus grandement qu’elle, de mon père. La plupart de gens qu’elle connaît veulent profiter de son argent ; mais elle ignore ça, et elle ne me laisse pas intervenir pour la secourir quand elle a besoin. Au contraire, elle trouve plus convenant pour elle que je soit éloignée de ses affaires et de ses soucis . Cela m’agace, me tue quotidiennement, mais rien à faire avec elle. Or, je ne suit pas tranquille avec certaines de ses connaissances, surtout ce type, le médecin marié et Don Juan »

J’écoutais Marion en essayant d’ouvrir mes yeux, à moitié endormis, en frottant mon menton pour que je reste éveillé. Elle a remarqué ma fatigue , sans soupçonner mon ennui caché dans ma tête, avec cette histoire de Jean-
-- 15 -

Philippe !

Elle est devenu moins bavarde et termina son discours en précisant qu’elle croit que Jean-Philippe va divorcer sa femme et épouser sa mère après . Alors j’ai dit, pour conclure aussi : « Ce n’est pas une chose facile pour le divorce en France. Chez nous, au contraire, c’est beaucoup plus simple: on peut choisir entre deux solution :soit se débarrasser de sa femme, soit être marié des deux femmes! 

Je me suis rendu compte que ma dernière phrase était complètement déplacée, hors sujet; mais c’était mon sommeil qui parlait, pas moi . Je n’avais plus de force à écouter ou à réfléchir; c’est pourquoi j’ai demandé à ma hôte la permission de quitter, tout en cachant au maximum ma fatigue . Je l’ai remercié, l’embrassé sur les joues et dit, avec un petit sourire dessiné difficilement sur mes lèvres, à cause du sommeil : « A un de ces jours ».

J’ai voulu dire des mots plus aimables ,mais le ne pouvais plus .



Vous croyez que j’étais insensible à cet appel de Marion, à créer une véritable amitié entre nous, au lieu d’autre chose qu’on peut être apte d’imaginer ? Pas du tout , mais j’ai dû consacrer les jours et semaines suivantes à préparer mes examens du diplôme, sérieusement et tranquillement, après les troubles des trois mois, mai, ,juin et juillet .

Les manifestations sont terminées; les cours ont repris dans la plupart des universités et la vie a approximativement repris son courant habituel ; tout au moins dans les formes et les apparences; mais pas dans les perspectives : l’essentiel, particulièrement dans le cadre de la jeunesse, a complètement et radicalement changé, qu’il soit pour le présent ou pour les décennies à venir .

Je pensais à la mentalité de cette jeunesse et celle de leurs parents particulièrement changée, à cause de ces événements. Elles se sont modernisées, sans doute, pas par imitation aveugle aux autres nations, de leurs formes de vie ou de savoir vivre, mais d’une manière tout à fait particulière, à la fois originale et universelle . Le mouvement de 1968 est devenu exemplaire pour plusieurs pays, et les slogans chantés derrière les barricades sont proverbialement répétés par des centaines de milliers des jeunes dans le monde entier .

Même la bourgeoisie en France et dans d’autres pays, a dû se réviser et voir ses principes de base se transformer, devenir changeables et métaphoriques, surtout en ce qui concerne la vision de la jeunesse. Certaines réserves , pourtant déclarées par des hauts ecclésiastiques, nuancées par des chefs des partis politiques de droite n’ont pas pu changer la tendance, malgré les menaces et les procédés utilisés pour dissuader les récalcitrants ou effrayer les hésitants.
-- 16 --

La nuit des barricades a annoncé la nuit du temps bourgeois, brûlé à vif ; mais certains de cette classe bourgeoise qui se considéraient toujours supérieurs à l‘homme ordinaire, gardaient leurs penchants insubmersibles, de se distinguer, se résister, de s’abstenir ou, à la rigueur, rester différents ,en quelques sortes , et en quelques choses . Ils sont souvent emportés par une recherche infatigable des vertus oubliées, ou des vertus à inventer .
,
Quant à Marion, je ne connais rien de ce qu’il en pense après la tempête. Je ne l’avais pas vu depuis deux mois au moins. Mais une fois, j’étais en train d’entrer à la Sorbonne par la rue de saint Michel, j’ai entendu une voix féminine qui m’appelait : ‘’Adib…Adiiib’’, et c’était Marion assise à une petite table à l’extérieur du café qui est le plus proche de l’entrée principale de la Sorbonne.

Vous ne pouvez pas imaginer combien j’étais content de la rencontrer, mais au lieu de la joindre à sa table, je lui ai proposé d’aller au jardin de Luxembourg, pour nous assoire autour du Luc .

Avant même arriver au jardin, elle m’a raconté les dernières péripéties de sa mère amoureuse . Elle m’a dit : « Tu peux imaginez que Jean-philippe a pu obtenir le divorce avec sa femme en quelques mois seulement. Il a dû avoir des moyens extraordinaires pour y arriver , peut-être parce que sa femme était entièrement d’accord pour se débarrasser de lui. En plus il a dû annoncé à ma mère quelque chose qui empêchait ou retardait leur mariage. Je ne sais pas pourquoi; je t’ai dit que j’étais méfiante de cet homme , mais ma mère a dû succomber sous son charme;il est au moins plus jeune de quinze ans que mon père, et obligatoirement plus puissant . Il est vrai que ma mère ne détestait pas son mari, mais cet homme a suscité en elle les démons de désires, qu‘elle ignorait auparavant, sans doute  ».

J’ai dit :«  le mariage sans amour est l’esclavage de chaque jour »

Elle a réagit vivement à ma philosophie, en m’assurant que la vie conjugale de ses parents était ordinaire et calme, que son père avait toujours admirait et respectait sa femme . Alors, j’ai dû céder et me contenter de l’écouter.

- « Ma mère est devenu dépressive, incapable de surmonter le choc qu’elle a subit après le divorce de Jean-Philippe . Il y a quand même quelque chose que je comprends pas : Il continue à visiter ma mère et la torturer ainsi de plus en plus . Ma mère a commencé à redouter le sentiment qu’il la trouve maintenant une femme âgée, à croire qu’il avait assez d’elle, un an après leur relation intime. Alors, pourquoi a-t-il divorcé avec sa femme? »

J’ai dit: «  En effet; c’est un véritable dilemme. Il faut savoir ses intentions réelles, et ce n’est que toi-même qui peux les révéler ! » .

Elle m’a répondu : « Je sais comment agir ,et je te dirais la
-- 17 --

prochaine fois quel sera le résultat » .

Nous avons discuté d’antres sujets moins importants que cette histoire de la mère amoureuse déçue, dans le jardin de Luxembourg plein d’étudiants et mères accompagnées des leurs enfants .



Chapitre 3

Le dilemme de Marion


Je ne suis plus dans cette histoire, qu’un narrateur objectif et impartial qui vous raconte les péripéties de la vie de Marion. C‘est à partir de notre dernière rencontre passée, par hasard, à côté du café de la Sorbonne que vous êtes invités à suivre successivement ma narration.

Cette rencontre qui nous a amenés à une longue discussion dans le jardin de Luxembourg autour du fameux amant de sa mère, serait le fondement des réflexions à venir ...

Ma vocation principale n’est pas l’aimer à fond . Je l’aime bien, mais je ne cherche pas à faire l’amour avec elle comme l’autre fois, ni même suivre les exigences d’une amitié suggérée et réalisée par son désir franc, un peu aléatoire ou par des contraints imprévisibles de deux destinées, provoqués par elle-même, avec bien entendu, mon consentement tacite à posteriori, de facto; mais, c’est vous raconter honnêtement toute l’histoire de Marion, avec quelques fois, des commentaires d’intervalle qui ne sortent pas de l’objectivité d’un narrateur qui doit la respecter, dans la suite des évènements.

Ceci est dit, j’ai téléphoné à Marion après les examens de la fin de l’année, pour lui dire que je retournerai bientôt à Alexandrie afin de passer les vacances d’été avec mes parents et mes amis de là-bas. J’ai demandé, quand même, de ses nouvelles d’étude et l’état de santé de sa mère; elle a répondu qu’elle avait tant de développements et des évènements nouveaux à me raconter et il faut absolument me rencontrer avant que je parte. Elle m’a dit « Je viendrais demain chez toi, si ça te convient, pour prendre ton avis sur une question extraordinaire, tellement importante »

Le lendemain, je l’ai reçue dans le hall de la Maison de Norvège, sans la faire monter dans ma chambre .. Elle était pâle, coiffée à la hâte; ses cheveux blonds liés en queue de cheval, se balançaient à gauche et à droite;mais elle n’a pas oublié, cette fois encore, de porter son foulard de couleur cerises- rose autour de sa nuque, comme d‘habitude..

Il n’y avait personne dans le hall qui pouvait nous déranger dans notre
-- 19 --

discussion; car, la plupart des étudiante norvégiens qui faisaient la majorité des locataires sont rentrés chez eux; il n’y reste que les étudiants étrangers dont leurs pays d’origine étaient très loin. Nous avons parlé librement aux voix ordinaires;avec toute la franchise et l’indiscrétion .


Elle m’a dit : « Je t’ai raconté une fois que je suis héritière de mon père de différents biens qui sont évalués maintenant à une dizaine de millions de francs, et que ma mère s’occupait de toutes mes affaires. Or, j’ai appris que Jean-Philippe a proposé à ma mère qu’il veille personnellement sur l’administration de mes biens fonciers, parce qu’il avait l’expérience dans ce genre d’affaires quand il était gérant de la fortune de son ex-femme.

J’ai refusé naturellement cette idée folle et exorbitante, mais ma mère a insisté en me suppliant d’accepter la proposition de Jean-Philippe pour des raisons obscures et sans fondement apparent . Elle m’a dit, en pleurant, que si je refuse cette proposition, Jean-Philippe mettrait définitivement fin à leur amitié et la quitterait pour toujours; cela veut dire que je dois payer de mon autonomie et de l’affectation de patrimoine que mon père m’a laissé à sa mort, le prix de ses désires débridés et ses démons intérieurs. Ce n’est pas une catastrophe ça? »

Alors, je ne savais quoi dire; car je ne voulais pas me mêler à des affaires familiales. Je ne suis qu’un spectateur étranger qui représente une simple connaissance de la fille, sans connaître personnellement sa mère. On ne peut pas arbitrer dans ces cas-là, si on ne connaît pas toutes les personnes qui jouent leurs rôles, et la véritable situation y adhérant. J’ai dit seulement que c’est bizarre qu’un médecin soit un administrateur des biens !

Elle a ajouté qu’elle le trouve même un escroc, qui ne s’intéresse qu’à leur argent ; en outre, il est moins âgé qu’elle, de trois ou quatre années.

 «  il est presque aussi vieux que toi! »m’a t-elle dit ; alors, je suis devenu furieux, et répondu :  « Moi, je n’ai pas même trente ans » ;elle a répliqué de sang froid: « excuse-moi; peut-être qu’il a trente trois ans, pas plus! ». Je n’ai pas insisté sur la question d’âge, parce que je n’en suis pas concerné dans toutes ces affaires .

Puis nous sommes descendus au parc Montsouris, dont elle l’aimait bien, espérant qu’elle oublierait un peu ses soucis . Mais là-bas, je vous jure que j’ai entendu d’elle les choses les plus extraordinaires de ma vie .

J’était ébahi quand elle m’a dit : « Ma mère m’a demandé hier de venir d’urgence chez elle, parce qu’elle était désespérée complètement; elle a voulu même se suicider, de mettre fin à sa vie. J‘étais affolée et Je me suis hâtée d’aller chez elle, tout de suite.

Je l’ai vue dans un état lamentable: des yeux rouges pleins de larmes,
-- 20 --

des mains qui tremblaient et une poitrine qui montait et descendait irrégulièrement en émettant une voix étouffée et intermittente. J’ai pu difficilement entendre d’elle que Jean-Philippe lui a proposé que je me marie , moi-même, pas elle, avec lui!

J’étais furieuse et surprise à la fois. J’ai dit « Comment cette idée folle aliénante puisse monter à son esprit? De quel Satan a-t-il inspiré cette agression envers moi? »

D’un coup, elle a curieusement repris sa force et son courage, pour me dire lucidement : « Ce n’est pas ni agression, ni une folie de sa part. Tout ce qu’il pensait de ce mariage, c’est te donner à la fois, une assurance et une véritable garantie financière et juridique, s’il aurait ta procuration pour gérer tes affaires . Où est le mal dans tout ça? et moi-même, ta mère qui cherche te protéger, j’adhère à la bonne intention qu’il veut observer pour toi, ma chère Marion »

J’ai dit à Marion confuse et désarçonnée:« Est ce que tu a accepté ça? » . Elle m’a répondu avec une amère émotion : « Je réfléchi . Je ne veux pas voir Maman mourir à cause de moi et mon obsession. Puis, je comprends pas l’idée que le mariage avec Jean-Philippe serait une garantie pour conserver mes biens, surtout qu’il est bien aisé matériellement, comme Maman m‘a dit, qui fait pour moi une garantie de plus! »

Voilà la mentalité bourgeoise, je me suis dit, quand l’argent surpasse des considérations normales des gens: toutes leurs émotions, toutes leurs supplices , toutes les peines et tourmentes humaines.. Mais je n’ai rien dit; car, je ne voulais pas blesser Marion. Après tout, elle est libre de choisir sa vie et la manière de ses relations avec sa mère et son futur mari( s‘ils se sont mariés) ; sauf que, je me souviens maintenant, qu’elle m’a dit une fois qu’elle refuse les mensonges et les manipulations, alors je lui ai dit franchement: « Tu ne soupçonne pas que Jean-Philippe pourrait-il continuer de faire le cours à ta mère, après ton mariage? » Elle a répondu qu’elle croit à l’honnêteté de sa mère, surtout que cette dernière lui ait dit, textuellement, que la seule chose qu’elle souhaite pour sa fille, très chère à elle, c’est le bonheur !

Chose étrange que Marion veuille réfléchir à supporter et accepter tout cela, à ses risques et périls, d’un mariage sans amour, d’un complot probablement possible entre la mère et son amant. De toute façon, qu’est ce que mes soupçons à moi personnellement, puissent faire là-dedans? et puis, mes conseils, s’il est avéré qu’ils étaient faux, qu’est ce que je gagne de ça?Voilà ! Je vais me taire et laisser le destin agir, la réalité concrète parler .

Marion s’est soulagée un peu par avoir écouté les chants des oiseaux et observé le nage sublime des cygnes, dans le parc; puis je l’ai accompagné a la gare de la Cité Universitaire après lui avoir donné mon adresse et mon numéro de téléphone en Egypte, pour le cas où elle voudrait m’écrire ou me parler pendant les vacances .
-- 21 --

Avant de descendre l’escalier pour prendre le train, elle m’a dit « Je vais bien réfléchir . Ne t’inquiète pas…. Bon voyage! »

Je suis retourné dans ma chambre, les idées chevauchées et bouleversées de ce que j’ai entendu dans le parc. J’ai réfléchi un peu, puis j’ai tout oublié quand j’ai commencé à préparer mes valises .

Deux jours après j’étais dans ma ville adorable : Alexandrie !



Chapitre 4


Mariage sans amour


Le gouffre sans fond d’avidité et de ruse, ouvert d’une bouche béante devant Marion, était d’une ampleur énorme qui la fait facilement y tomber et en
subir les conséquences.

Vous pouvez imaginer la suite; elle m’a écrit à Alexandrie, qu’elle fut mariée avec Jean-Philippe, avec la bénédiction de sa mère !

Elle m’a dit dans sa lettre que les cérémonies du mariage se sont déroulées dans une grande église au quartier latin, et qu’elle est partie avec son mari passer la lune du miel aux environs de Lyon, dans un joli manoir appartenant à un ancien ami de son père.

Le propriétaire du manoir s’appèle le baron Dussard, un homme d’affaires d’une cinquantaine d’années, cultivé, riche et charmant .Veuf depuis cinq ans, il n’a pas voulu se remarier après la mort de sa femme atteinte d’une maladie incurable.

Les nouveaux mariés sont resté trois semaines chez le baron qui était tellement hospitalier et gentil qu’il la fait grandement oublier le débit des apparences mensongères de sa mère et particulièrement de son mari, pendant et après les cérémonies .Sa mère a voulu montrer devant ses amies bourgeoises sa grande émotion pour le mariage de sa fille unique . Jean- Philippe s’est apparu comme l’amoureux époux qui soit arrivé, enfin, à réaliser son rêve ..

Elle a dit dans sa lettre : « Combien j’aurais voulu que tu soit présent aux cérémonies de mariage. Tu es l’ami fidel qui aurais m’aidé moralement à traverser ce moment douloureux décisif de ma vie . J’imagine tes regards attendrissans et tes mots pertinents que tu aurais prononcés pour l’occasion. Je sais qu’au fond tu n’est pas d’accord pour que je prenne Jean-Philippe pour mari; mais tu connais bien les circonstances qui m’ont amenée à ce que j’ai fait. Pense à moi toujours et prie pour que je puisse supporter ce mariage presque forcé ou imposé, comme des habitudes d’antan anachroniques avec le vingtième siècle »
-- 23 --

« Je croyais au principe qui dit qu’un mariage loué comme l‘apogée des vertus, devait être précédé par l‘amour, et ne pas faire le contraire : que l‘amour serait le bienvenu ultérieurement ou qu‘il soit son agrément a posteriori . La majorité de mes amies qu‘on les appèle, à juste titre, ’’ bourgeoises’’ pensent qu’on peut transformer la tendresse en quelque chose qui ressemble de loin ou de près à un sentiment d’amour, disons admiration, emprise par la beauté ou le charme du cavalier servant, reconnaissance d’une faveur ou le partage des croyances idéologiques. C’est faux; l’amour et la tendresse sont deux choses distinctes ;seulement les amoureux savent distinguer entre eux . ..Parfois le mariage défigure l’amour, mais on ne peut jamais imaginer l’hypothèse inverse! »

« .Malheureusement, je n’ai pas suivi ces principes pourtant clairs et lucides. J’ai fais cet ultime sacrifice pour ma pauvre mère.qui, même si elle a fait recours aux ruses et manipulations artificielles, facilement et rapidement découvertes, peu après, était elle- même obligée, par la soumission aveugle à Jean-Philippe et par la suivie de ses propres manipulations, d’agir de la sorte qu’elle faisait » .

« Mais ce qui est fait est fait, il n’y aura pas de retour…malgré que la lune du miel ,en dehors de cette philosophie sur l’amour, était concrètement passable .  Le temps était agréable dans la région, à la fin de Septembre écoulé . Le baron accompagné de mon mari allaient à la chasse ou à la pêche deux fois par semaine; ce qui me laissait largement le temps pour réfléchir ou, quelques fois, écrire à ma mère » .

«  Les deux hommes ont essayé de me donner le maximum du repos ; de comprendre et respecter mes petites habitudes qu’ils découvraient tous les jours; de penser, chacun de son côté, à me faire plaisir par tous les moyens .. En fait, je me plaignais de rien dans le train de la vie quotidienne là-bas. Le baron a consacré deux ou trois soirées pour sortir dîner à l’extérieur, ou nous présenter à ses amis les plus proches, invités chez lui, spécialement pour nous . Quand nous restions seuls, le baron inventait toute sorte de divertissement ou dissertation culturelle pour passer le temps agréablement et nous épargner l‘ennui».

«  La nuit, Jean-Philippe faisait tout son possible pour que notre vie intime dépendait de moi, de mon temps et de mon état phisique ou moral et pas de ce qu’il désire ou souhaite lui-même . Mais, avec tout ça, je ne suis pas heureuse, et je ne le serai pas . Je vais oublier la recherche d’amour ,ce sentiment qu’on ne peut pas l’inventer, l’imiter, le transporter, le contaminer ou l‘adopter »

"Tu vas me dire : contents-toi de la tendresse et la considération que ton mari tient pour toi; s'il te donne son mieux dans la vie conjugale et s’ il est, de sa part, tendre avec toi, et il t'aime d'un véritable amour, quels seraient tes sentiments? Je te dirais que si je ne l’aime pas ,moi-même, tout ce qui a précédé n’y compte pas. Je serais toujours malheureuse . Je me
-- 24 --

souviens de ta phrase pertinente que tu ma dite une fois sur cette question : Un mariage sans amour est esclavage de chaque jour. Tu as fait une vision prophétique à mon sujet, mais j’ai accepté, volontairement ou par contraint, un mariage sans amour, et il faut maintenant que j’assume les conséquences malheureuses de ma décision ! »

«  Ne t’inquiète pas pour moi, mon cher Adib, je vais essayer de m’accorder à la vie conjugale, les devoirs accoutumés, selon les traditions, les principes de moralité et de la fidélité . Quand tu reviens à Paris, au début de l’année universitaire, je passerai à la Maison de Norvège pour discuter tout avec toi, si je ne t’ai pas aperçu dans le quartier latin, parce que j‘ai décidé de continuer mes études malgré le mariage, et Jean-Philippe en est d‘accord»

«  Je t’inviterais après, si tu souhaites bien chez nous, dans un appartement à l’avenue Raymond Poincaré qui appartient à Jean-Philippe . J’ai gardé mon studio de rue de Bac, que tu le connais. Il n’est pas très loin du boulevard Saint Germain. Voilà, j’ai une proposition à te faire: Je peut te prêter ce studio si tu a envie, dès ton retour en France  ».

La lettre de Marion était vraiment chaude et émouvant. Je vais vous dire les suites, aussitôt que j'ai quelque chose de nouveau..

Pour le reste de mes vacances, tout est passé bien et il fallait attendre encore un mois pour retourner en France . Nous sommes en Octobre maintenant, et il fait tellement beau qu’on n’a pas envie de quitter Alexandrie .

Le matin d’une belle journée, j’ai reçu un coup de téléphone de Marion. Elle m’a demandé de mes nouvelles et combien je vais rester exactement en Alexandrie. Je lui ai dit au maximum jusqu’au début Novembre ; alors elle a brusquement dit :

« Tu peut me recevoir pour une semaine à Alexandrie ? Alors, si tu d’accord , je peux venir en avion dans les prochains jours . »

J’ai répondu : «  Tu sera la bienvenue en Egypte, Marion . Tu vient avec Jean-Philippe ou toute seule? »

« Non, toute seule. Peux tu me réserver une chambre dans un hôtel, pas très loin de chez toi? » m’a dit-elle.

Alors, j’ai lui expliqué que mes parents et moi- même serons ravis de la recevoir chez nous, et il n y a pas besoin de réserver quelque chose à l’hôtel . Notre appartement n’est pas loin des plages et elle serait satisfaite de son séjour à Alexandrie en notre compagnie ; seulement, je lui ai demandé de retéléphoner à moi, quand elle réserve son siège sur l‘avion, pour que je puisse l’accueillir moi-même à l’aéroport.


Chapitre 5

Péripéties douloureuses


Je n’ai jamais été pris par excitation avancée comme celle que j’ai eue hier après le téléphone de Marion m’annonçant la date et l’heure de son arrivée a l’aéroport d’Alexandrie.

J’ai voulu, en effet, que son voyage en Egypte soit une réussite pour atténuer les séquelles par suite d’un mariage sans amour lui jetant dans un abîme des incertitudes et d’angoisse.

J’ai préparé, spécialement pour elle, un plan de visites des sites touristiques, des sorties agréables la nuit, des fréquentations multiples des musées et des palais de l’ancien régime, en plus que la natation dans les plages les plus modernes et les plus chères ; bref, un temps inoubliable de divertissements de rêves, et une véritable découverte de la beauté de mon pays.

Mais rien de tout cela n’était pas réalisable selon ma planification dessinée avec soins particuliers, dès que Marion arriva dans le hall de l’aéroport.

Elle était pâle, mal coiffée, avec des regards vagues et une maladresse visible dans la recherche de ses valises, l’arrangement de ses papiers et la montée dans le taxi qui nous a amenés chez moi.

Je n’étais pas trop bavard pendant le trajet; j’ai évité les phrases banales qu’on utilise habituellement quand on reçoit quelqu’un venu d’un voyage; je lui ai donné un mouchoir pour essayer sa sueur et les quelques larmes dans ses yeux. Je suis devenu, moi-même aussi, maladroit et confus, en lui assistant à monter ses affaires chez nous. Je lui ai présenté mes parents, et montré la chambre que nous avons lui réservée.

Elle est restée longtemps avec ses habits de voyage, pour répondre difficilement aux questions de mes parents qui parlaient le français,. Il s n’ont pas remarqué sa confusion comme moi qui la connais bien. Elle a omis ou oublié son foulard incarnat , montré un changement visible de son phisique et
-- 26 --

de son comportement qui me paraissait un peu bizarre; tout cela importait peu pour imaginer une réaction quelconque de mes parents, parce qu’ils la voient pour la première fois et qu’ils pensent, peut être, qu’elle a cette nature inhabituelle.

Leurs questions se déroulaient principalement autour de ses études à la faculté de lettre ouverte mi-Octobre, il y a quelques jours seulement. Ils semblaient intrigués par le fait qu’elle a entamé un voyage à l’étranger, simultanément avec le commencement des cours. Ils savaient d’ailleurs que mes cours à moi, dans les études supérieures, commencent un mois plus tard. .

J’ai dit, à mes parents, peu après, qu’on la laisse se reposer une demi heure , puis on prendra le thé ensemble . Marion s’est retirée alors dan sa chambre, les pas hésitants, le dos un peu courbé, visiblement fatiguée.

Elle est restée seule au moins une heure; mais quand elle est revenu, était d’une allure beaucoup plus améliorée. Elle était mieux coiffée, discrètement maquillée, et elle fait un large sourire à mes parents.

Elle m’a demandé si on pourrait sortir après le thé pour découvrir les environs de notre rue . C’était ,en effet, pour parler avec moi, tête à tête, m’expliquer les raisons de son voyage et les discuter largement à l’insu de mes parents .

Dès que nous sommes arrivés à la porte d’entrée, et devant les yeux du concierge nubien, en cafetan blanc, qui garde l’immeuble et qui nous a salué debout à la militaire, elle s‘est explosée en gémissements étouffants . Je lui ai laissé le temps d’exalter sa profonde tristesse ; puis j’ai lui dit: « Qu’est ce qui se passe Marion, ma chère amie. As-tu quelque chose d’inconvénient, perdu quelqu’un? Votre mère va-t-elle bien? Pourquoi pleurs tu ? »

Elle a répondu avec des mots brefs pertinents: « Jean-Philippe me trompe. Avec qui? Avec ma propre mère » ; elle les a dits, en tirant fort à ma chemise, comme si elle me supplie de la secourir des tourments terribles .

J’ai dit « Raconte moi tout ; je suis complétement à ton écoute »

Elle a repris sa force et m’a dit « Une fois, j’étais prête à aller au bureau d’étudiants à la faculté pour déposer des formalités avant l’ouverture des cours . Le téléphone sonne , et c’était Maman qui voulait m’ inviter dans l’après midi à prendre le thé avec des amies au café Cluny au boulevard Saint Michel . J’étais surprise par cette invitation, parce qu’elle avait téléphoné une demi-heure avant pour me dire qu’elle était souffrante, qu’elle avait mal terrible à la tête . Je soupçonnais qu’elle a seulement voulu s’assurer que je suis à la maison et que ne bouge pas pendant la matinée ! »

«  Alors, j’ai pris le metro, direction ure station de Cluny, la plus proche
-- 27 --

de chez elle, pas loin de la Sorbonne , de toute façon. En rentrant dans l’immeuble, j’ai aperçu la bonne de ma mère sortir , comme si c’était la fin de la journée de travail; je lui ai dit :’’ Mais où tu vas à cette heure ci ?’’, elle m’a expliqué que ma mère lui a permis de s’absenter avant midi et qu’elle retourne dans deux heures .Elle m’a rassuré que Madame va mieux et que mon mari s’occupera d’elle pendant son absence. J’ai dit :Jean Philippe ? Elle m’a sérieusement répondu:’’ Oui Madame. Monsieur votre mari, Docteur Jean- Philippe est là-haut ’’.

« Je n’ai pas hésité un instant à prendre l’ascenseur chez ma mère . J’ai sonné à la porte. Personne n’a répondu . J’ai sonné une deuxième fois, puis une troisième fois . La porte s’ouvre et c’était mon mari devant mes yeux ! J’étais tellement perturbée que je ne savais quoi dire . Lui, était calme et sûr de lui-même, comme un taon .. Il m’a dit : ‘’Ah ! ça tombe bien; je vais laissé ta mère à tes bons soins et je retourne à mon cabinet’’; je n‘ai pas répondu, parce que je sus qu’il mentait ; je me suis dirigée directement vers la chambre de Maman ».

«  Ma mère était dans son lit; cheveu décoiffé, contrairement à ses habitudes, même quand elle est vraiment malade; son lit mal fait ; une odeur spéciale, que seule les femmes mariées reconnaissent, régnait la chambre !  »

«  Ils faisaient l’amour, sans aucun doute, en me croyant clouée à la maison . Ils pouvaient avoir le prétexte que Maman était malade, que lui était son médecin traitant d’habitude, et rien à prouver qu’ils continuaient, en fait, leurs rapports sexuels, antérieurs à mon mariage »

« Je suis convaincue de l’adultère de mon mari. J’ai honte d’eux, tous les deux . Je n’ai plus besoin d’autres preuves; je croix qu‘ils récidivent autan qu‘ils veulent, parce que mon mariage est fait pour ça . La responsabilité de ma mère dans ces orgies ultimes n‘est pas douteuse .C‘est elle- même qui a sacrifié ma vie pour ses plaisirs et son amusement ! » 

« Je ne voix plus à cette mère atroce qu’une ennemie acharnement dirigée contre sa fille par la puissance du mal et de l’égoïsme . Elle n’est plus celle qui adorait ’’Marion de Lorme’’, son héroïne fétiche de Victor Hugo, qui incarnait, un jour, l’innocence et la bonté ! »

« Tu va me dire que je n’aime pas mon mari, et il sait que je ne l’aime pas; mais je respecte les obligations de la femme mariée, et il doit faire la même chose . Alors être infidèle et adultère avec ma mère est une chose inacceptable dans les lois, ni dans les religions, ni dans les mœurs. J’avais pourtant confiance en lui, parce qu’ j’ai pensé que le mariage mis fin à ses rapports avec maman. Je ne croyais pas que la bassesse des créatures comme lui puisse arriver jusque là ! »

« Qu’ est ce que je dois faire maintenant ? Comment agir? J’ai dit à Jean-Philippe que je vais effectuer ce voyage en Egypte pour me reposer,
-- 28 --

parce que j’en ai besoin . Il ne m’a dit pas pourquoi . Il croyait que j’ai toujours la confiance en lui, et ça serait l’occasion, à coup sûr, de rencontrer plusieures fois Maman et faire l’amour avec elle, autant qu’il veut .! »

« Le problème pour moi, c’est que je lui a donnée procuration générale pour diriger mes biens, compris la vente, l’échange, la transformation,..tout. Alors si je lui ai exprimé mes doutes et mes soupçons, j’ai peur que lui, ou tous les deux , ma mère aussi, collaborent ensemble pour me priver de mes biens, pour les accaparer, pour me voler et me laisser dans la besogne ! »

« Je n’ai que toi , ami fidèle et sincère, à confier mes soucis et mes émotions. C’est pourquoi je suis venue te voir, pour t’ expliquer mes craintes vis-à-vis de ces monstres. J’ai voulu prendre tes conseils avant que je commette des erreurs aliénables pouvant accéder à des effets irrévocables ou résultats irréparables pour l’avenir »

Alors, j’ai averti Marion, sans compromission, que je connais rien dans des questions juridiques ou financières, que cela demande quelqu’un de compétence certaine en la matière, pour mieux protéger ses intérêts.

Elle a dit : « Oui, je le sais bien ; mais Jean-Philippe est très rusé et il connaît tout un groupe d’avocats de même nature que lui, ce qui me fait peur »

J’ai essayé de la calmer en disant que nous avons largement le temps pour y réfléchir; qu’il faut profiter de sa visiter pour bien connaître la ville, se reposer moralement, afin d’avoir une vision plus claire se reposant sur le réalisme et la rationalité.

Puis je l’ai amené à la corniche magnifique d‘Alexandrie pour regarder la mer,les promeneurs et nageurs, les cafés et boutiques touristiques à côté. Nous avons pris une glace pour nous rafraîchir; et nous sommes retournés le soir pour diner avec les parents

Le lendemain nous sommes aller à la plage, nager un peu, puis nous nous sommes reposés sur le sable pour continuer nos réflexions sur la situation et les mesures à prendre .Les résultats n‘étaient pas formidables, parce que se reposaient sur multiples hypothèses et mille développements probables .

Nous sommes arrivés, les jours suivants à une conclusion : soit demander le divorce immédiatement avant que Jean-Philippe puisse s’arranger pour utiliser les possibilités que la procuration puisse ouvrir pour lui; soit attendre tranquillement pour effectuer des précautions juridiques efficaces après avoir consulté discrètement un bon et honnête avocat .

Le septième jour, nous sommes allés ensemble à l’aéroport, pour l’aider aux démarches du départ et la souhaiter bon retour dans son pays .J’ai
-- 29 --

lui ai demandé de me téléphoner pour me mettre au courant de l’évolution de ses problèmes , à vrai dire, difficiles à résoudre.

Curieusement, Marion ne m’a pas fait un signe de vie les jours suivants; je ne sais pas pourquoi.

Je pris l’avion pour Paris pendant la semaine, pour continuer les études qui m’attendaient là-bas ..



Chapitre 6


Marion pour toujours


Il pleuvait sur Paris quand je suis arrivé à l’aéroport d’Orly. J’étais content de retourner en France pour reprendre mes études qui, jusqu’à présent, allaient assez bien. J’ai même commencé à réfléchir à choisir un sujet de doctorat, qui demandera plus longtemps pour l’élaborer, le travailler comme il faut, puis le soutenir pendant les prochaines années.

J’ai pensé d’abord au grand poète, Victor Hugo, père de la poèsie française, et de son œuvre dramatique ‘’Marion de Lorme ‘’. Il serait sans doute très intéressant en ce qui me préoccupe, ‘’La métamorphose de la bourgeoisie contemporaine en France après la rébellion estudiantine de1968‘’. Ce n’est pas un bon sujet de doctorat? Marion aussi serait ravie pour me voir traiter un sujet dont son prénom serait répété à maintes reprises, au développement de mon sujet .

Cela m’a conduit à me demander : Mais, quelle Marion? celle de fille célibataire innocente de rue de Bac ou Marion épouse d’un avocat escroc détestable de l’avenue Raymond Poincaré? Sans doute, la verrai-je demain ou après demain à la faculté, ou quand elle viendra me voir à la Maison de Norvège, comme elle a promis en Alexandrie. On ne sait jamais, elle me donnerait, si elle voudrait, un aperçu sur l’évolution de ses rapports avec sa mère et avec son mari.

Je n’était pas inquiet outre mesure qu’au troisième jour, où aucune trace d’elle n’était trouvée, ni à la Sorbonne que j’espérais la rencontrer dans les couloirs, ni aux cafés fréquentés souvent par les étudiants dans le quartier latin, ni à ma boîte à lettres dans la Maison de Norvège où j’ai présumé que serai un moyen de me contacter à coup sûr, si elle en a choisi la discrétion.

Mais aucune de ces voies n’était prises par Marion. Les jours passaient tellement longs, que je ne pouvais plus attendre. Je suis allé à son studio, rue de Bac; car , j‘ai pensé au pire des situations, qu‘elle a quitté son
-- 31 --

mari ganache , incapable de se voir aimé par sa femme; personne n‘a répondu à la sonnette . J‘ai questionné la concierge qui m‘a dit qu‘elle n‘a pas vu la propriétaire depuis un siècle et elle entendu qu’ elle fut en voyage en Egypte récemment . Des renseignements venus très en retard .

J’ai quitté l’immeuble sans donner mon nom . On ne sait jamais; peut-être qu’elle soit bavarde et qu’elle donne mon appellation à quelqu’un de la famille de Marion. Puis, si le pire s’aggrave, Marion, elle-même aurait pu dire que je cherchais uniquement à m’installer dans son studio après mon retour à Paris; ceci n’étant pas du tout ,pour moi, une question d’actualité, ni un problème d’urgence . .

Alors, j’ai laissé tomber tout . Nous sommes maintenant aux vacances de Printemps 1969 et c’était toujours la même chose : aucune nouvelle de Marion . Qu’est ce qu’il se passe? Est- elle vivante? Est-elle morte? Est-t- elle suicidée? A t- elle préféré de s’enfuir des troubles qui empoisonnaient sa vie ? A-t-elle commis un crime, puis disparu dans la nature?A-t-elle tué son mari ou étouffé sa mère dans son sommeil? Plusieurs suppositions, plusieurs hypothèses , plusieurs images cauchemardesques sont montées dans mon esprit; surtout qu’elle avait promis de me dire tout, dès mon retour. J’espérais en fait, qu’elle voudrait suivre sa recherche de ma consultation sur son dilemme d’affection avec sa mère et sur des craintes matérielles chevauchées, en relation avec son mari.

Je me suis dit : à partir de 10 Mai, à l’anniversaire de notre première rencontre au quartier latin et notre première nuit passée simultanément avec ‘’la nuit des barricades’’ si je ne la voyais pas , je vais l’oublier, l’effacer entièrement de ma mémoire, une fois pour toujours . Il faut renoncer au superflu et consacrer mon temps à l’essentiel : obtenir mon doctorat es lettres et retourner vainqueur en Egypte . Ce n’est pas la fin du monde si j’ai perdu Marion.

Malgré cette décision arbitraire, inqualifiable et brutale, je me sentais livré aux cahots; je n’ai pas cessé à penser à ce qu’il va me manquer de savoir jusqu‘ici : où en est elle à présent, en évolution de son histoire excitative, remplie des péripéties exorbitantes, voire excentriques .?

Il faut que j’arrive à montrer l’utilité de retracer les derniers évènements évolués; sinon comment je puisse satisfaire à votre curiosité , au cas où vous êtes sûrs d’avoir envie à continuer la lecture de ce roman? Moi- même, je suis devenu, personnellement, et à mon titre de narrateur, tellement curieux de deviner comment cette conte compliquée puisse avoir son renouement concret .

Mi-juillet, Le concierge de la Maison de Norvège m’a demandé si j’était bien concerné par une lettre dont le nom de destinataire était mal écrit, mais l’adresse était lisible . J ‘ai reconnu tout de suite les aspects de l’écriture de Marion , malgré que l’enveloppe était écrit et collé par une main
- 32 --

troublée, mal contrôlée .

L’enveloppe était, en outre, bien lourd et épais . En effet, Marion avait inséré une très longue lettre accompagnée de plusieurs images photographiques.

J’ ai naturellement commencé par les images, pour me rassurer avant tout, qu’elle soit vivante; mais j’étais surpris de l’avoir vue allongée sur un lit blanc d’un hôpital ou d’une clinique privée . Et dans la plupart des images on voyait une dame dans la quarantaine et un homme, médecin ou chirurgien, habillé en blanc, de quatre ou cinq ans moins âgé que la dame; tous les deux , assis ou debout, à son chevet ..J’ai supposé que c’étaient sa mère et son mari viennent la visiter dans sa chambre de l’hôpital .

La longue lettre de plusieures pages était complètement en controverse avec les photos : Marion a écrit, depuis les prières lignes , que sa mère est récemment tombée gravement malade d’un mal inexplicable qui a duré presque trois mois, ; qu’elle l’a amenée avec son mari à l’hôpital ; qu’elle était, elle- même , à cause de la maladie de sa mère, obligée de renoncer à suivre ses cours à la faculté ; et q’elle passe presque tout le temps restée avec sa mère malade, que Jean-Philippe était très gentil avec sa belle-mère, soit dans ses traitements de médecine , soit au cours de ses visites personnelles en qualité de gendre .

En relisant les premières pages de la lettres ,on pouvait déceler entre les ligne qu’il s’agi d’une rédactrice ignorant à la fois la notion du temps qui passe, la synchronisation des évènements et la détermination des états physiques et psychologiques de chacun :Qu’elle est la véritable malade ? Est-ce sa mère, ou c’est Marion, elle- même, comme les images jointes à la lettre le prouvent .Comment son mari devint-il un homme tellement honnête et attentif envers sa belle-mère, soit disant malade, et sa femme angoissée et perturbée, tandis qu’elle le qualifiait des pires appellations, il y a très peu de temps? Qui peut croire qu’ils s’entendent parfaitement bien, tous les trois ! Le tout était, à cent pour cent, contraire à ce qu’elle pensait et disait.

Les détails excessifs qu’elle racontait dans le reste de sa lettre étaient ou bien des banalités autour de ce qu’on mangeait à l’hôpital, ou bien des rêves ou de cauchemars que sa mère voyait dans son sommeil, et tout ce qui était superflu des bavardages avec les infirmières quand sa mère dormait profondément, sur les amourettes des médecins avec leurs collègues ou sur les malades qui faisaient la cours à elles pendant leur travail ..

Je me suis demandé, à la fin de la lecture de lettre de Marion, si elle n‘était atteinte d‘une sorte d’aliénation mentale, ou frénésie excessive se manifestant par divagation ou imagination dépravée .

Elle ne m’a pas écrit, en plus, de quel établissement elle écrivait ! Est-ce à Paris? Dans les banlieues ? Dans une ville de campagne ? On
-- 33 --

connaît rien . Les images ne donnent, non plus, aucune explication possible.

Je me suis demandé : S’agissait-il d’un complot?d’une manipulation? De faux personnages ?des photos falsifiées ? Des identités dérobées? Qui a pris ces photos ? Pourquoi?

En quoi je dois croire : à sa lettre ou à ses images ? Si je prends l’ensemble de ces documents et je vais à la police pour dénoncer le complot, par exemple; qu’est ce que je représente dans cette affaire? De q’elle qualité j‘agis : un proche, un ami intime , un amant à l’une ou à l’autre de ces deux femmes . Cela va m’ entraîner aussi dans l’animosité de Jean-Philippe ou de sa belle-mère envers moi . En plus , je suis un étudiant étranger; de quoi je me mêle dans les histoires des familles françaises:; pourquoi je touche à la tranquillité des citoyens? Cela peut aboutir à retirer ma carte de séjour ou de m’expulser du pays ; surtout après les manifestations de l’année dernière, où il y avait un grand nombre d‘étrangers participaient à ces événement hostiles au gouvernement et à la police elle-même ..Cela sera la folie ou la catastrophe!

Je m’arrête là ; parce que je suis incapable d’aider Marion ou de lui donner la main de secours .Je n’ai que les sentiments de pitié pour une victime d’une misanthropie ulcérée, d’un drame dérivé d’une vision de la vie sociale en rapport, direct ou non, avec une mentalité bourgeoise intéressée aux plans capitalistes, d’avidité et d’exploitation, d’égoïsme et de favoritisme, de manipulation et de corruption .

Marion est d’un monde à part, elle n’appartient pas à ce genre des classes sociales, malgré sa naissance d’une famille bourgeoise, malgré son éducation religieuse et sa fortune , malgré les sentiments traditionnels qu’elle gardait originairement pour sa mère, de la fidélité sans faille qui réservait à son mari . Or, si on peut imaginer l’existence des bourgeois bons et des bourgeois mauvais, Marion serait parmi les meilleurs des premiers .

Les années suivantes de mon séjour en France, se sont passées ordinairement pour achever ma thèse de doctorat. J’ai changé plusieurs fois d’adresses ; car, le règlement de l’Administration ne permettait aux étudiants étrangers de rester dans le même établissement des cités universitaires à Paris plus d’un an

C’est pourquoi Marion ne pouvait pas me contacter pendant toutes ces années, même par téléphone, si elle avait besoin de moi, ou si elle voulait simplement me voir amicalement, comme un ancien collègue. D’un autre côté je ne sais pas combien de temps est-elle restée malade, atteinte de son mélancolie, qu’on pouvait déceler de sa dernière lettre.… Un an? Deux an? Trois ans ou plus ? Je ne sais pas . Peut- être, m’a-t-elle oublié complètement ; mais moi je ne peux plus l’effacer de ma mémoire à partir du moment où j’imaginais des choses terribles à découvrir entre les lignes de sa lettre et voir ses dernières images. Elle va rester pour moi, Marion pour toujours .
-- 34 --
















Chapitre 7

La surprise






























-- 35 --





En mai 1974 j’ai terminé définitivement la rédaction de ma thèse de doctorat après les interminables recherches théoriques et documentaires et les séances d’assistance de mon professeur soutenant ma thèse .

Un beau jour, j’ai voulu passer dans un petit établissement près du Panthéon, chez celui qui m’a tapé la thèse, en prenant la rue Soufflot. J’ai vu de loin une silhouette familière de quelqu’un que je connaissais bien . Son image est restée gravée dans ma mémoire , et c’était véritablement Marion elle -même !

Elle m’a salué chaleureusement avec son large sourire d’antan, un peu plus assagit . Elle avait l’air qu’elle a dû gagner plus d’âge que les cinq et demi-années qui nous séparent depuis notre première rencontre. Mais elle était en très bonne santé et elle a repris amplement toute sa vivacité, et dans la parole et dans les gestes .

Je lui ai invité à prendre quelque chose dans un des cafés haut de la rue Soufflot, fréquentés par les étudiants de la faculté dr droit de la place du Panthéon . Il faisait très chaud dans le café, ceci l’a fait ôter son petit gilet de son épaule . Son apparence devint plus jeune .

Si je vous raconte tout ces petits détails, c’est pour enrayer de ma tête les derniers souvenirs angoissants et tristes de son séjour à l’hôpital de ceux de mes craintes personnelles sur sa santé et surtout de son équilibre psychologique .

Elle m’a demandé si j’ai terminé mes études; je lui ai répondu que tout est prêt, même pour la soutenance de ma thèse fin juin, que je l’invite cordialement à assister à la séance prévue pour cet effet .

Après réfléchir un peu, elle m’a répondu : «  J’aurais bien voulu y assister; mais je suis de passage à Paris et je dois prendre l’avion demain en compagnie du baron Dussard pour Venise. Est-ce que vous allez retourner en Egypte après la soutenance de votre thèse ? ».

J’ai dit : « en effet, j’ai trouver un travail comme correspondant d’une Agence internationale de communication et recherches. Je dois effectuer un stage d’entraînement dans ses établissements à Paris; puis après je retourne définitivement en Egypte pour continuer ma collaboration avec l’Agence à titre de correspondant;mais maintenant laissons nous nous tutoyer comme avant. Non? Raconte-moi comment tu as passé toutes ces années d’absence. Était-ce à Paris ou ailleurs? J’étais très inquiet pour toi. J’attendais que tu me rende une visite quand j’étais à la Cité Universitaire, ou qu’on nous croise quelque part dans le quartier latin ou ailleurs. Tu m’as écrit,
-- 36 --

pendant tout ce temps là, une lettre, une seule fois uniquement ».

D’un coup, elle m’a interrompu ; «  Ah ! Je me souviens pas du tout de cette lettre » , puis elle a ajouté : « Peut-être ! »

Je me suis dit que c’était étrange quand même qu’elle ne se rappèle pas de cette longue lettre et les images jointes à elle .

J’ai osé de lui demander si les choses étaient bien arrangées avec Jean-Philippe .

Elle était si étonnée de ma question qui ne paraissait pas ,pour elle, d’actualité . Cela lui a rejeté, semble-t-il, à plusieurs années auparavant; mais elle a fini par me dire, avec une voix rassurante : «  Je te parlais dans le temps du baron Dussard . C’est lui qui est venu à Paris pour me secourir pendant les moments difficiles avec un mari adultère et méchant … C’est lui qui m’a sauvé de tout les soucis matériels et financiers avec lui, après plusieurs mois pénibles passés dans les tribunaux . C’est aussi lui qui m’a permis à l’époque, d’obtenir le divorce avec Jean-Philippe, dans un temps record, grâce à ses multiples relations ! ».

J’ai dit avec un extrême étonnement : «  Le divorce de Jean-Philippe? ».

Elle m’a répondu en souriant : «  Oui, le divorce avec Jean-Philippe, qui le méritait vraiment après tout ce qu’il m’a fait ».

Je me suis précipité à dire : « Et ta mère? »

Là, j’ai touché en elle un point sensible, qui l’a laissé réfléchir à ce qu’elle devrait me dira, en fronçant ses sourcils. Elle m’a expliqué que le baron a rendu la raison à sa mère qui avait rompu, elle-même, de son côté, avec Jean-Philippe? Quant à Marion, elle a pardonné sa mère, en conformité avec son éducation qu’elle l’a dressée à avoir cette attitude. Puis elle m’a prononcé la phrase portant la plus grande surprise et la plus curieuse de tout les sursauts survenus dans son histoire :

«  Après le divorce, nous nous sommes mariés, le baron Dussard et moi ; je suis installée dans le même manoir que Jean-Philippe et moi avons passé la lune du miel, il y a de ça plus de cinq ans ! » 



La discussion a repris après cette révélation extraordinaire qui m’a brûlé vif, autour des choses banales de tendance austère plus divaguée; peut être parce qu’elle a noté l’effet étourdissant qu’elle m’a donné sa phrase.

Nous sommes restés à peine une demi-heure dans le café, puis
-- 37 --

nous sommes sortis tout les deux avec un air ordinaire d’apparence. J’ai trouvé dehors la liberté que les rues du quartier latin m’inspiraient ces dernières années depuis les barricades brûlées de 1968 .

Marion m’a dit un seul mot : « Adieu » et disparu dans la foule .

Le baron devait avoir soixante ans, donc plus âgé qu’elle de trente cinq ans. Marion avait, en effet, instinctivement ressemblé, sur ce point, à sa mère, mariée au printemps de sa jeunesse à quelqu’un beaucoup plus âgé qu’elle .

Je me demande si la bourgeoisie ne crée tout les jours sa renaissance, voire sa régénération, naturellement ou instinctivement , dans ce monde trouble. Mais si elle est heureuse ? Si elle a oublié les tourmentes des péripéties d’antan?

Or, on se demande : où est l’amour dans cette histoire ? je dirais: « Marion est l‘amour ! l‘amour bourgeois, peut-être. L’amour né de son mépris de son mari, sûrement » .




Fin

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire