mardi 9 février 2010

Héros d'hier et d'aujourd'hui

Adel El Zaïm

Héros d’hier et d’aujourd’hui





«  Ce qui est tragique dans la
vie des hommes, c’est moins leurs souffrances que leurs échecs ! »


Thomas Carlyle








Chapitre 1

Grand, fort et robuste, Nader, était de même structure osseuse et musculaire que les autres jeunes de ce village libanais étendu sur les hauteurs, couvertes de chênes et pins, de la chaîne occidentale des montagnes ..

Il fut né dans ce pays du soleil brillant couvrant les cimes des hauteurs d’une couleur argent bleuâtre. Dans ce village et les villages voisins, les hommes et les femmes avaient une apparence phisique plus cohérente que celle de la population trop mélangée vivant dans les plaines et sur les côtes . Le soleil montagneux empreignait les visages de ces gens, à moitié isolés, avec distinction certaine d’une teinte rouge foncée devenue maronne, autour de leurs yeux ,faisant un cercle orbitaire presque noir, même quand ils possèdent une peau très claire de leurs corps, surtout chez les adultes .Plus on est vieux , plus ce cercle oculaire se noircie .

Leurs oreilles furent habituées au sifflement du vent pendant toutes les saisons, sensibles au tintement des ruisseaux qui coulaient du fond à la surface à travers des rochers ombragés. Les églises et mosquées furent implantées au cœur des villages au plus proche des principales rues. Il était rare d’entendre, en même temps, un mélange sonore de ces maisons de Dieu, quand elles invitent à la prière les montagnards de deux religions, à des heures voulues différentes, quand ils pouvaient.

. On voyait la mer des pentes occidentales se perdre dans les horizons lointaines ornées des navires qui se dirigent vers la côte avec un mouvement invisible, presque stable, comme des tortues ..

Nader s’amusait dans son enfance à compter les maisons des habitants et certaines villas des gens riches, dispersées dans des agglomérations de chênes disparates, au panorama pittoresque montagneux. Il écoutait la symphonie harmonieuse des chants d’oiseaux accompagnés , par hasard heureux, à plusieurs reprises, des fluttes des bergers.

Son adolescence passait sans problèmes particuliers. Ses parents pieux et pauvres surveillaient sons avancement restant ordinaire, d’une année à l’autre, tout le
-- 4 --

long de ses études primaires et secondaires, sans éclats remarquables . Il était innocent et simple comme eux, peu débrouillard par rapport à ses copains, mais fort dans l’école en trois matières : langue française, sport et religion; alors qu’il était faible en géographie, moyen en histoire et nul en mathématiques .. Le fait d’avoir été timide et rêveur, donnait l’impression qu’il était plus paresseux qu’il ne fus vraiment.

Après le bac, il n’avait pas les moyens de descendre en ville la plus proche pour continuer ses études, comme faisaient les fils des familles plus aisées. Obligé de travailler donc, il s’est contenté jusqu’à l’âge de vingt quatre ans d’exercer différents métiers, plus ou moins rentables, tantôt coiffeur, tantôt facteur, et souvent chasseur des petits oiseaux à vendre aux habitants, pour les déguster bien grillés, aux mazas d’arac.

La folie de guerre civile qui a surpris le village, en 1975, divisa la population, délibérément soumise à ces épreuves sanguinaires , naguère amis et frères, en deux clans distincts, par la religion plus que par autres éléments idéologiques, sociologiques ou financiers. Sa famille fut contrainte à immigrer dans une autre montagne très lointaine dont les habitants étaient de même religion.

Avec cette immigration imprévue, il s’est senti arraché d’un passé tranquille, d’une situation et d’une quiétude ordinaires, d’un songe presque infantile; il devait affronter une société nouvelle, renoncer à ses rêves, devenir un homme nouveau, un véritable adulte. A ses yeux, tout fus fini; l‘enfance, l‘adolescence, la jeunesse à la villageoise et tout le reste .Il gardait seulement son aspect phisique de grande taille, corpulent, avec un buste musclé d’un boxeur, même qu’il ne pratiquait après l’école aucun sport. Ses yeux noirs sont devenus plus attentifs tels ceux d’un corbeau atterri sur un champs peuplé d’autres espèces .

Depuis son arrivée au village d’immigration, il donna l’impression d’être toujours sur le vive, prudent et méfiant .Son habillement , plutôt sa façon de s’habiller lui distinguait des autres jeunes . Sa longue nuque ne lui permettait pas de nouer correctement une cravate, car elle paraissait, sur n’importe quelle hauteur, mal placée .Il a donc renoncé définitivement à porter cravates, même pendant les fêtes ou les occasions importantes .Il préférait les chemises ouvertes quand il faisait chaud, les chandails à col roulé les jours du froid, ce qu’il lui donnait, par la suite, l’aspect d’un jeune homme apte d’être membre des groupes armés qu’on voyaient passer ou campés dans les alentours .

Les caprices juvéniles sont terminés . Il fallait d’ores et déjà s’éveiller de ses songes, regarder plus sérieusement l’avenir. Voilà l’abîme devant lui! Il ne resta que sauter sans hésitation, ni tourner la tête en arrière, ni attendre l‘aide de quelqu’un, même de sa famille. Son père avait déjà trouvé un travail pas bien payé, mais lui concernant, il avait l’handicap d’être jeune arrivé; ce fut l’inconnu qui aurait pu être ou devenir un guerrier , Dieu sait dans quel groupe ou quelle organisation, de gauche, de droite, du centre ou de rien du tout .

D’un autre côté , il n’était pas diplômé, ni expérimenté ou apprenti en quelque
-- 5 --

choses . Il était uniquement un bon chasseur, mais qui pourrait l’employer, dans cette période de crise où porter n’importe quelle arme, même pour chasser les oiseaux, représentait un grand danger à l’employeur . .. Et s’il a travaillé à son compte , serait lui-même qui se mettrait en frais de son auto- satisfaction, risquant sûrement sa vie. En outre, il ne savait pas capturer les oiseaux par d’autres moyens ,qu’une arme à feu .
Il se demandait souvent : Qu’est-ce que je fait ici ? Quelque fois il pensait à retourner tout seul à son village , quoi qu’il eusse le prix, quoi qu’il pût advenir. Ici c’est la mort certaine d’ennui , de chômage, de lassitude et isolement . Rien ne pouvait remplacer sa montagne , ses oiseaux à chasser , les moutons et les bergers, le soleil et la lune de chez lui, la mer qu‘il a laissée là-bas et qui était, matin et soir, à la porté de ses mains , de ses yeux , de son cœur .

Il s’éloignait, par apathie, des jeunes de son âge, garçons et filles, dans le village d’accueil, parce qu’ils étaient d’une autre nature, d’une autre montagne, donc d’une autre race . Ils étaient des indigènes étrangers à lui, loin de son goût.

Le plus important élément qui demeurait intact dans le rouage de la nouvelle vie fut son grand respect pour ses parents . Il obéissait religieusement, en parfaite déférence, à leurs ordres et leurs souhaits; ne connaissait jamais une réplique malveillante, ou un geste manquant de politesse . Ce credo ne changerait pas dans le présent ,ni à l’avenir .

Il ignorait comment séduire une fille, ne cherchait pas des aventures passagères, ni des relations de chaire avec des femmes légères ou des prostituées. Il était vraiment vierge, pure, propre, de ce côté-là ; comblé entièrement, de cet éloignement du cœur et du corps, faisant front aux vices, impudences ou effronteries de tout genre. Seulement, cette solitude-là, eu inquiété le père outre mesure ; il lui a averti, une fois, d’un air empêtré , sans rancune :

« Nader!Tu as vingt cinq ans à présent; avec mes salaires de moins que rien, je ne peux pas satisfaire seul à tes besoins, en plus que ceux de ta mère. Trouve- toi un travail n’importe où, même à l’étranger, comme les autres jeunes de ton âge ! »

Le jeune Nader, ruminant son inquiétude presque quotidienne, ainsi que celle de son père aujourd’hui, balbutia quelques mots, tout en feignant éviter de faire petite bouche à son père, fini par répondre sournoisement avec un demi-sourire:

«  Ne t’inquiète pas Papa, tu seras content de ce que j’aurai à faire! »

Il ne savait pas encore de quoi faire, mais il a décidé de s’éloigner de l’autorité de sa famille et mettre fin à sa dépendance d’elle .

Le père apparemment satisfait , a essayé d'embrasser son fils respectueux et obéissant, mais Nader a reculé en arrière , en avalant ses mécomptes avec amertume, décidant pratiquement à agir pour qu'il prenne la vengeance, d'une façon ou d'une autre, gentiment ou brutalement, contre l’humiliation née lors de cet
-- 6 --

entretien pénible avec son père , contrairement à tout ce qu’il était habituellement accoutumé auparavant.

La surprise de sa petite famille serait énorme dans les tout prochains jours , si Dieu le veut ...

A la fin de ces jours, les parents ne trouveront plus leur fils . Il ne le regrettera pas. Il est si fort pour affronter l’inconnu , si résigné à ne pas supporter l’indignation , de n’importe qui dans le monde; et cela sera sa foi et sa religion . Il ne changera jamais .




Chapitre 2-

Deuxième naissance

Après cinq semaines de son immigration, tout a changé dans cette nouvelle montagne détestable, vineuse, d’un village vraiment peu accueillent, des habitants avares en paroles et regards. Il a adhéré à un groupe armé dont un de ses anciens amis, de l’autre village, faisait partie. C’était sa destinée juste après à peine une douzaine de jours de son triste entretien avec son père.

Tout né du hasard: il a vu cet ami dans un petit café dominant une profonde vallée, écoutait ses aventures dans le sillon des attaques menées par son groupe contre l’ennemi. Quel ennemi? Il n’a pas bien compris, et il n’a pas osé de poser des questions, parce qu’il était complètement ignorant des péripéties de cette guerre civile touchant plusieurs endroits que sa montagne. Il n’a pas insisté non plus pour savoir de quelle tendance politique était le groupe; mais quand l’ami prononça le mot-clé de ‘’gauche ‘’, il a saisi facilement le sens et le but de l’organisation de son ami: il s’agissait, selon lui, la contre-partie des gens de droite, des conservateurs réactionnaires ou quelque chose comme ça. En fait, il est monté à sa tête, l’ensemble de certaines appellations, en rapport avec la gauche : guerre populaire, communisme et marxisme dont le nom de Marx l’avait appris à la dernière année de l’école, dans les cours de l’histoire qu’il détestait. La télévision et la radio répétaient souvent, plusieurs noms de révolutionnaires qu’il ne connaissait ni leur origine, ni leur nationalité, comme Guevara, Mao Tsu Tong, Allende, Mandela, etc.…Le principal c’était qu’ils faisaient partie de la gauche, pas de la droite qui accaparait l’argent partout, qui fût, peut-être, à l’origine de la pauvreté de son père, donc de lui-même.

Notre homme qui se recherchait dans ce monde trouble, inconnu, s’est adonné au premier prosélytisme qui lui fut présenté. Il ressassait dans sa tête, les initiations des principes et dogmes que l’ami essayait de les faire avaler brutalement. Il n‘a hésité à la fin de cette rencontre de s‘écrier: « Je serais à votre côté. Inscris-moi maintenant immédiatement. Je n‘aurai pas besoin d’apprendre l’usage des armes, de m’entraîner au champ de tir ou autres procédés de ce genre. J’en suis suffisamment expert. Je croix que vous allez m’héberger et nourrir, comme les autres ‘’camarades’’. J’accepte mon destin dans la vie militaire, l’assumer et la servir. J‘espère qu’elle me
-- 8 --

rapporte un peu quand même! N‘est ce pas ? »; l’autre lui répondu, d’un air fat : «  Bien entendu. Cela ne serai jamais gratis, bien que les sacrifices héroïques désincarnés de nos camarades ne s’arrêtent pas aux bribes! »Nader s’écria ardemment d’un ton détaché « C’est naturel »; sa voix était rauque et grave, à l‘instar des hommes de combat qu‘il voyait parfois à la télé, dans les feuilletons américains de guerre.

L’ami continua à circonscrire la conversation autour de nouveau métier de Nader, de ses perspectives de l’avenir: « Aller de l‘avant ne signifierait obligatoirement couper les ponts derrière toi. Tu pourras à chaque instant retourner chez toi comme si rien n’était passé. Tu seras un volontaire libre, maître de tes actes, détaché provisoirement à des missions bien précises, choisies selon les capacités et les qualités de chacun. Tu peux refuser ce qu’il ne te plairait pas. C’est notre principe dans le groupe; il y aurait toujours des issues ! » 

La manigance de l’ami s’est arrêtée sur ce point. Au lendemain matin, Nader a découvert le camp du groupe sur une montagne dominant la mer, ce qu’il lui a plu avant tout, cette pauvre créature. Il a cherché vainement son ami. Il ne l‘a pas trouvé, mais un grand type aux yeux de renard lui a accueilli chaleureusement sous une large tente vide de réunion . Il lui a répété presque mot par mot les phrases des son ami furtif disparu.

Nader est resté silencieux, sérieux et décidé .Il savait, par l’instinct ,qu’il ne pouvait pas autant qu’il espérait étonner cet homme par sa une décision spontanée et rapide d’adhésion au groupe, puisqu’il l’a faite hier et ce n’était pas convenable de se répéter vainement. Il est sorti directement après l’entretien d’adhésion, avec un autre type qu‘il la conduit vers une autre tente utilisée comme magasin à distribuer des habits de combat : vestes kaki tigrées de camouflage, des casques de protection crânienne, deux lourdes bottes noires, un fusil et un pistolet automatique, deux boites de balles jaunes brillantes, des grosses lunettes, une écharpe terne de couleur indéfinissable qui sentait à la fois le savon et la sueur ou le sang, et une baïonnette à long et solide bras.

Il a mangé avec les camarades dans une cantine miniaturisé, caché derrière un rocher qui servait aussi d’abri, le cas échéant .Il a dressé les oreilles à ce qu’ils disaient ses nouveaux copains pour apprendre leur façon d’aborder les sujets qui l’intéresse; mais ces copains parlaient de tout sauf de la guerre . La plupart d’eux racontaient leurs aventures avec des filles; les plus âges des souvenirs et d’anecdotes; certains répétaient par cœur des blagues grossières avec des gestes impudents à vomir. Il a appris pendant ce repas qu’il faudrait pour lui beaucoup à apprendre en fait ..

Ce que Nader trouva aberrant , c’était que personne ne lui a posé des questions sur son passé ,ses études ,son origine, sa religion, sa famille.. À part son prénom qu’ils trouvaient peu compatible avec le combat qu’ils menaient pour l’égalité entre hommes du monde, pas pour la distinction sordide de certains qui s’appèlent «Nader », c’est -à-dire(rare) comme pierre précieuse ou œuvre d’art ! C’est pourquoi ils ont choisi d’une façon arbitraire commune, sans prendre son avis préalablement,
-- 9 --

l’appellation de guerre : Abou Fahd, tiré du léopard, l‘animal féroce et rusé . Nader n’a pas résisté à ce nouveau nom. Que lui importe ce changement?De toute façon Abou Fahd ne sera pas enregistré sur son état civil .A la réflexion cette appellation, lui donnera plus de poids , de distinction et du respect des gens que l’appellation faite par sa famille . .Elle lui a bien plu. Avec telle considération ,si bien tournée à la tête des combattants endurées , pleine des prétentions et qualités , il pourrait influencer les faibles esprits .Tant pis pour ses parents et ses amis s’ils trouveraient son nouveau nom un peu bizarre; de toute façon, devant telle réaction , il se remettrait d’aplomb, tête levée.

Le temps d’une minute, il est devenu un autre homme. Il fera front à tout le monde;son avenir en dépendra ! D’ores et déjà, il lui importera les choses qui lui représenteront de l‘intérêt, les gens qui seront épris par sa nouvelle situation, les copains et les antagonistes qui entendront son nom du guerrier avec curiosité ! .

A mesure que le temps écoulera, il sera transformé d’un pauvre montagnard à un révolutionnaire de gauche, un combattant redoutable, un homme de réputation offensive solide. Ce changement lui apportera des sentiments de supériorité vis-à-vis des personnes qu’il connaissait; ces sentiments qui seront même avancés au fur et à mesure des actes accomplis et le sang qui coulera, comme les oiseaux blessées par les tirs de chasse d’antan.. Il va affronter son destin avec un nouveau courage qu’il n’éprouvait pas avant . Vouloir se faire un véritable combattant, sera son but à atteindre prochainement. Il effacera l’humiliation de son père, la médiocrité de son passé, la monotonie de sa vie d’un jeune montagnard sans importance . Il pourra posséder une nouvelle image qu‘il n‘avait jamais songée. Un jeune révolutionnaire plein de charme, de force, de gloire. C’est une épreuve importante à passer, donc une véritable victoire à réaliser, tout en montrant qu’il est prêt à affronter l’inconnu et l’obscure .

A la bonheur Abou Fahd !

Personne ne pourra l’interdire à présent de se réjouir de ce sentiment merveilleux d’être combattant guerrier ! Cela devenu pour le moment, une cause personnelle lui permettre de se classer à un certain niveau parmi les jeunes. Le seul fait d’avoir adhéré au groupe est en soi-même un bouclier, une force de frappe, par rapport aux pauvres civils solitaires, méconnus qui risquent leur vie à chaque instant.

La révolution devra passer pour sa raison d’être .Mais quelle révolution? De Marx, de Trotski, de Mao, des cubains? Peut-être sera-t-elle tout cela, ou une partite, voire une révolution tout court, sans nom, sans référence, sans visage, si elle n’est pas vraiment sans passé ni avenir !

Croire ou se proclamer pour quelque chose de révolutionnaire sera le contrepoison de sa faiblesse culturelle, de quoi combler le vide de sa réalité d’existence, pleine d’ignorance et de banalité. Bien qu’il ne doutait pas de son identité, il ignorait en tout cas le sens de sa vie. Il était incapable de se définir dans sa montagne, son milieu familier et ce monde trop compliqué pour lui . Demain sera
-- 10 --

l’arbitre, et son destin se dessinera .Il sera impossible de reculer, de ne pas atteindre l’autre extrémité du fossé qu‘il lui séparait du passé .

Il n’a pas laissé ses parents submerger dans l’angoisse . Il leur a envoyé une brève lettre leur annonçant qu‘il a trouvé du travail et ne retournera plus chez eux .Il a mis dans l’enveloppe une petite somme pour sa mère, dans l’intention de montrer qu’il ne s’était pas fâché d’elle . Il a négligé d’écrire à ses anciens amis . Ils ne représenteront plus d’intérêt; et il n‘a plus besoin d’eux .




Chapitre 3

Métamorphose


A vrai dire, les premières épreuves psychologiques du premier jour étaient loin d’expliquer amplement les causes et résultats de la métamorphose de ce guerrier débutant Nader Abou Fahd . Il lui est avéré d’abord que le chemin est beaucoup plus long. Il ne s’agissait pas ici de savoir chasser des oiseaux, mais tirer sur des cibles humaines, des ennemis ayant les mêmes armes que lui, qui savent se défendre, qu ils essayent de le tuer avant d’être tués eux-mêmes par lui ; ce qui a impliqué depuis le lendemain de son adhésion de commencer un pénible entraînement sur différentes armes à feu, grenades et lance- roquettes compris, sur la lutte phisique avec l’ennemi corps- à- corps, sur l’usage des couteaux et baïonnettes, sur la lecture des cartes des terrains des combats, sur les mouvements des troupes leurs avances et leurs retraits, sur l’usage de la boussole, du radio, du déchiffrage des communications, sur les caractéristiques de lutte nocturne, sur l’idéologie du groupe et celle de l’ennemi, sur les initiations essentielles de la stratégie et du tactique ..

Tout cela devrait terminer dans trois mois ! En même temps qu’il fallait s’adapter à la vie commune avec les copains, à l’intérieur comme à l’extérieur du camp; il devait apprendre la ruse, les termes grossiers, les gestes impudents; sinon il payera de sa dignité, de son caractère, de sa place devant ses copains et dans le groupe .
Petit à petit, il a su comment éviter les circonstances douteuses pouvant montrer ses points faibles, physiques, morales, idéologiques et autres .Il devrait être intelligent pour transformer les défaillances en réussite, l’arrivisme en sacrifices, l’égoïsme en parfait sens collégial .

Après les mois d’entraînement, il était capable de gérer son existence nouvelle, de profiter de ce qu’il a appris, vrai ou faux, légal ou illégal, moral ou immoral. Il a su faire la légitimation de l’ensemble des données et acquis pendant l’entraînement et les ajouter à son compte. Cela lui permettrait d’agir moins et de parler plus.

Or, sa présence dans le group est devenu, avec le temps qui s’écoule, aussi falsifiée que son caractère et ses propos. C’était définitif: Il n y aura jamais l’air net,
-- 12 --

ne sera crédible que par sa force d‘imagination et par la création des arguments de lui et à lui seul . Celui qui faisait mouton est venu en loup acharné; celui qui était bon et naïf devenu fine mouche à chaque reprise, celui qui était crédule fut entré dans le cercle des grands mensonges .En fait, il ne reste de Nader, jeune villageois innocent, qu’Abou Fahd, l‘adulte endurci et expérimenté. Il ne refusait rien des missions tant qu’il représentait une réputation de dureté, de violence et d’étrangeté particulière. Tant pis s’il y aura énormément du sang et de sueur, s‘il fallait ..

Mais, contrairement à ce qu’il imaginait, ses premiers actes de guerre, quand il était un simple chef de groupe minuscule des combattants subalternes, n’étaient que des escarmouches minimes, mais il a fait d’elles, devant ceux qui n’étaiant pas témoins, des occasions indispensables pour connaître la puissance de l’ennemi; découvrir ses procédés secrets; faire prévision pour des combats ultérieurs, ultimes et victorieux ! Pour d’autres, il s’agissait de se montrer indulgent que l’humanisme et la pitié devaient en être posant; bref, n’importe quel prétexte pour créer des illusions autour des actes qui n’auraient pu être réalisés que par oracles des Dieux, magies héroïques ou autres mythes inventés.

Élevé plus haut après, dans la hiérarchie de commandement, il manifestait la plus grande ruse et adaptabilité pour gérer l’aléatoire, l’éphémère, le dérisoire des évènements et courir sa chance dans ces conditions peu profitables afin de planer son chemin vers la gloire. Mais il n’en risquerait jamais sa vie pour rien ou pour trop peu. Il lui arrive quelques fois d’ignorer les ordres de ses supérieus, quand il trouvait que l’acte à réaliser sera sûrement couronné de réussite, des bons résultats, quand il était apte à présenter ultérieurement des arguments valables, réels ou inventés; tout cela, contrairement à ce qu’il a appris dans les cours de l’entraînement, autour de l’exigence d’exécuter d’abord les ordres, puis protester. Mais quand il s’agissait de lui, c’était autre chose, il fut l’exception . Il fera front à tout le monde: ses supérieurs, ses subalternes, et tout les autres . Il a su surmonter les difficultés qui pouvaient surgir dans les relations avec les autres combattants, nouveaux et anciens, faisant gaffe que ses prétentions excessives ne l’entraînaient dans les détours de leur doute ou méfiance .

A mesure que le temps écoulait, il s’est transformé en escroc professionnel. Il trouvait dans les mensonges et le changement perpétuel de comportement, allure et opinion, la solution miracle de s’imposer à tous les niveaux, de quoi l’élever aux cimes de ses ambitions.

La violence est devenue son pain quotidien , une sorte d’idéologie qui n’existait pas nulle part ailleurs . Toutefois, il ne se montrait jamais arbitraire ni dur à la folie, tout en respectant un certain niveau de connivence et de solidarité avec les autres combattants.

En réalité, il ne pouvait se confirmer dans son nouveau milieu que par cette apparence collée à sa personnalité, devenue variable , attirée par le succès sans faille, par la réalisation des actes presque impossibles dans des cas normaux où les autres n‘arrivent pas à s‘en sortir , dans ce monde trop compliqué pour lui .

-- 13 --

L’évolution de la crise nationale, la prolongation de guerre civile répandue dans des terrains plus vastes, l’entrée dans le conflit des puissances étrangères , étatiques ou institutionnelles, ont soufflé plus sur le feu du conflit intestinal. Pour lui,c’était beaucoup tout ça .Il cherchait avec insistance sa place dans ce monde qui bougeait tout le temps, même dans le camp où les camarades éprouvaient le même sentiment d’inquiétude; mais lui, avait une attitude personnelle à prendre vis-à-vis le changement, et tout autre évolution possible, de prévaloir tout ce qu’il pouvait faire, à son niveau, d’un combattant ayant des supérieurs et des subalternes, pour s’en sortir toujours mieux et réaliser, par la suite, ses songes et ses ambitions .

Une fois, il avait une sortie nocturne de reconnaissance avec une douzaines de ses hommes les plus doués et courageux .Il devait atteindre une cible ennemie à plusieurs kilomètres du camp . Il faisait noir du diable cette nuit là sur tout le chemin obscur. En se rapprochant du terrain de l’ adversaire, il s’est trouvé devant des îlots d’arbres séparés par des passages plus ou moins vastes et découverts. Il a donné les ordres à ses combattants de s’avancer en file indienne, sans avoir pensé que la lune, pleine à cette nuit là, cachée derrière des nuages plus ou moins épais et consécutifs, pourrait s’apparaître d’un coup et éclairer ces passages ,mettant ses hommes en danger de mort, mais il a pris quand même le risque fatal à titre personnel , négligeant la prudence exigée dans des cas pareils .

Or, une fois les combattans furent trouvés au milieu des îlots,la lune est sortie ,et quelques instants plus tard on a entendu des tirs séparés puis multipliés accélérés sans cesse. A ce moment là, Nader était encore au bord du premier îlot couvert par des arbres qui lui ont offert l’abri des tirs , loin des passages dangereux. Son visage et ses mains étaient tigrés par le mélange des ombres des feuilles et l’éclairage de lune , camouflant parfaitement sa présence dans cet endroit. Il aurait pu vite faire revenir ses combattant désarçonnés par la surprise , mais il n’a pas fait, par peur ou négligence . .Les tirs ont continué et lui resté caché, sans bouger ni respirer.

Qand il n’écoutait plus les tirs , il a relevé sa tête et regardé les passages. Personne ne bougeait sauf un, à quelques pas de lui. La lune disparu ; il ne voyait plus le combattan survivant; mais il a entendu ses soupirs et ses appels suppliants. Il a hésité , pour assez longtemps relativement, entre retourner au camp ou avancer pour secourir le blessé . En ce moment là, il a entendu le sifflement d’une roquette, puis une énorme explosion à une vingtaine de mètres de lui. Il a décidé donc de s’avancer , car lui semblait égal d’aller en avant ou reculer, puisqu’il s’agissait cette fois des obus qui sauraient tombés n’importe où, pas de tirs directs sur des cibles humaines .Ainsi, pouvait-il attirer le blessé .Il a senti en se dirigeant à pas de tortue vers lui une brûlure dans son bras gauche et son épaule, mais son sang ne coulait pas. Il était donc atteint par des petits éclats de l’explosion sans être vraiment blessé et en danger . Il a pris le combattant survivant dans ses bras et senti l’odeur des taches du sang qui couvraient ses habits , puis les siens. L’odeur était détestable au cœur de la nuit . Le blessé balbutia quelques mots pour lui dire que tous les autres combattans étaient morts et qu’il voulait qu’il l’aide pour retourner vivant au camp . Nader lui a donné la main à se soulever et ils sont retournés en marchant lentement,côte à côte, le
-- 14 --

blessé s’appuyant sur l’épaule droite de son chef .

Une sentinelle amie trouva les deux une heure plus tard, complètement épuisés, à deux cent mètres du camp, mais le blessé donna son âme juste à l’arrivée de sentinelle . Nader Abou Fahd fut sauvé.

Dans le camp, tout le monde parlait d’Abou Fahd qui, malgré qu’il fus blessé( il ne l’était pas vraiment mais ses habits étaient entachés du sang du combattant décédé)il a porté le blessé sur son dos (en réalité ils marchaient côte à côte, mais
difficilement). Pour les autres combattant morts sur le champ du bataille ,on en parlait moins.Ils étaient considérés des martyres qu’on se souviendrait sûrement d’eux et pour longtemps,mais le véritable héros était lui : Abou Fahd, le courageux.

Ce mensonge énorme est passé comme les autres dans les annales du groupe .

En outre, les autres combats ultérieurs d’Abou Fahd, n’étant pas du même niveau de célérité que les précédents, il n’y avait que peu de morts et de blessés. En effet, le fait que le groupe avait enregistré l’ apparition d’ un héros unique parmi ses membres, il est amené à le conserver, sans prendre aucun risque de le perdre, tel un marchand de légumes qui laisse les plus gros et brillants et les plus présentables de sa marchandise toujours au premier rang, afin de vendre mieux les fruits de moindre qualité .Pourtant, dans ces combats de deuxième degré, Abou Fahd a contribué à réserver le prestige qu’il avait crée lui-même pour le groupe, en offrant des plans de manœuvres plutôt précautionneuses, en évitant les pertes humaines , favorisant la surprise contre un adversaire peu prudent, les combats nocturnes, la ruse, le retrait à temps utile, même avant, s’il fallait, ou s’est avéré que le procédé représentait de fait plus de sécurité pour lui . Bref, il était poussé par le désir de survivre jusqu’à la fin de la crise, en étant un héros implacable, toujours dressé debout et fier de soi !






Chapitre 4

Un homme seul


La vie continue dans le camp et Nader Abou Fahd n’a cessé d’augmenter le nombre des admirateurs et les joindre à la liste de ceux qui recherchaient ses qualités extraordinaires depuis sa gloire(en fait, sa défaite) de la nuit de subite éclairage de pleine lune. La mort de la douzaine des combattants de reconnaissance n’a pas laissé dans son cœur du remords outre mesure.

Après avoir été annoncé dans le groupe à son titre de ‘’héros’’, déjà inscrit par des inconnus sur les murs des villages voisins, il diminua excessivement sa perplexité et le reste de son allure pudique de sa jeunesse d’antan . Même la grossièreté qu’il appris est devenu ultérieurement moins que rien par rapport à son atrocité nouvellement entamée. Il méprisait ses copains, torturait ses subalternes, ridiculisait, quand il pouvait, les paroles de ses supérieurs . Il est devenu un monstre exemple d’irascibilités, assoiffé du sang et des souffrances des autres.

Il n’accepta plus aucun reproche ni critique émanés de n‘importe qui; prêt à combattre tous ceux qui osaient de sourire sans raison en sa présence! Il a juré qu’il préférerait être enterré vif si quelqu’un touchait à sa dignité en tant que héros de la bataille de pleine lune et ses autres acquis héroïques. Son hypocrisie nourrie par sa mauvaise conscience, enlaidie par ses fausses victoires, n’avait aucun effet sur les principes de moralité (s’il y en avait eu) .

Le discours habituel avec les camarades était posant . Il voulait ardemment qu’ils dressent leurs oreilles bien ouvertes vers sa voix quand il parlait , alors qu’il fixait ses yeux sur le mur quand les autres ouvrent leur bouche .Il étouffait son étonnement devant toute surprise, triste ou heureuse; se contentait de dévisager son interlocuteur, laissant chez lui l’impression qu’il l’ entendait mais ne l’écoutait pas.

Un soir, il reçu deux journalistes français, homme et femme, qui voulaient en fait rencontrer son chef direct; mais à tout dernier moment ce dernier était obligé de se rendre chez un autre chef dans un autre camp, tout tant laissant chez son gardien le
-- 16 --

nom de son adjoint, Nader Abou Fahd, pour le transmettre aux visiteurs .. Notre
‘’héros‘’était bien accueillant envers les journalistes, car c’était la première fois qu’il
engage une discussion avec des représentants de média. Cette occasion ne serait pas à louper devant les camarades se trouvant dans le camp à ce moment là. A leur arrivée sous sa tente , autour d’une petite table éclairé d’une faible lampe, il a pris un air très sérieux et leur a dit qu’il était prêt à entamer l‘entretien. En somme ce qu’il disait était pris, souvent mot à mot, des textes lus pendant les informations de vingt heures, le soir même; mais il a noté, par son instinct naturel, qu’ils avaient commencé à s’ennuyer . Alors, il leur a dit d’un air plutôt fat: « J’ai l’impession de divulguer de secrets! »mais la femme qui semblait au bout de son impatience, lui a répondu sournoisement: « Pas du tout . Il n y a pas de secrets entre amis ! Mais dites- nous quelles sont les perspectives de votre groupe dans cette région par rapport à d’autres organisations de la même tendance? »

Nader n’a pas compris la signification du mot ‘’perspectives‘’mais il a répondu immédiatement: « Nous respectons bien spirituellement l’esprit de tous les gens respectifs de la région. Il faut que cela soit prescrit, voire persévéré dans tous les autres esprits aussi ».

En utilisant des termes proches phonétiquement du mot ‘’’perspectives ’’il croyait être sauvé des complications de cet entretien; mais cette fois là c’était la femme journaliste qui n’a rien compris, ni son compagnon d’ailleurs, de la phrase bizarre de cet interlocuteur révolutionnaire peu éloquent .

La discussion n’a pas duré longtemps. Nader est sorti avec eux pour les accompagner jusqu’à la sortie du camp, tout en marchant très lentement pour permettre au plus grand nombre des camarades de l’observer et savoir qu’il recevait des journalistes internationaux, une femme comprise!

En rentrant sous sa tente il se disait:« Que m’importe leurs opinions. J’avais, moi, mes points de vue . Je leur ai dits franchement . C’était tout ! »; les moulins à vent à combattre de Miguel Cervantès dans ‘’Don Quichotte’’ étaient bien présents dans son esprit, même avec des créatures journalistiques ennuyeux.. Mais dans son sommeil, cette nuit là, il les a vus discutant encore avec lui. Il avait peur surtout de cette femme journaliste, provocant le malaise qu’il a éprouvé dans la réponse à ses questions compliquées . Elle l’a laissé errer dans des pensées cauchemardesques, telle une sorcière qui voulait son âme . En se réveillant , il a songé qu’elle était quand même une belle créature.





Deux mois plus tard, il a reçu une lettre de la France, donnée à lui, main à main, par un homme de confiance . Il déchira l’enveloppe dans sa tente et tira une feuille bleue claire, intitulée sur le côté gauche :




-- 17 --

Myriam Martin
Journaliste


Et en bas de la feuille , on pouvait lire son adresse personnelle, No. de téléphone de son domicile. En dessous, No. de téléphone de son bureau, puis celui du Fax et le nom d’un journal hebdomadaire connu mondialement .

Il a lu la lettre attentivement, bouche béante, yeux craintifs, joues crispées:

Cher Monsieur,

J’ai envoyé la présente à un ami libanais en relation avec votre groupe. C’était lui qui a pris le rendez-vous avec M.(…;…)et nous a permis de vous rencontrer à cause de l’absence de ce dernier . J’ai demandé à l’ami libanais de vous remettre, main à main, ma lettre. Je croix que c’est le seul moyen de vous contacter .

J’aurais le grand plaisir si, par bonheur, ma lettre serait finalement tombée entre vos mains Cela m’importera vraiment.

Voilà ce que je tiens amicalement à vous demander :

J’ai rejoint récemment le journal hebdomadaire(….;…..)qui m’a demandé de faire un reportage sur certains personnages, connus dans votre groupe et les autres organisations de même tendance, par leurs actes spectaculaires importants, achevés ce dernier temps, au profit de la cause des peuples opprimés et la lutte armée contre le capitalisme et l’impérialisme .

Je vous avoue que suis aussi un femme de gauche, comme vous, et j’adhère franchement à vos principes de groupe révolutionnaire .

Permettez moi de vous dire ,qu’après notre dernière rencontre, sous votre tente , il y a deux moi, j’ai regretté que je n’étais pas assez prudente pendant notre discussion . J’espère que vous ne m’en voulez pas pour ça . J’ai appris le lendemain, de certains de mes collègues, que j’était, en fait , devant un homme de grande réputation guerrière, d’un héros régional, respecté par tous .

Si vous avez bien accepté de participer à mon projet de reportage, ayez la gentillesse de répondre à l’adresse sous- mentionnée, ou faites -moi un coup de téléphone, soit chez moi, soit dans mon bureau de travail, au journal .

Veuillez accepter, Cher Monsieur, mes sentiments les plus respectueux .
Myriam Martin

-- 18 --

Il n’a pas cru ses yeux: Sa réputation de ‘’héros’’ a bien traversé les frontières, jusqu’en Europe, elle pourrait bientôt arriver en Amérique . Il est devenu international, mondialement connu. Ses larmes coulaient sur ses joues, son cœur battait fort.

Seulement il était dans l’embarras : il a hésité entre répondre au message de Myriam par téléphone, ou par lettre, afin de lui annoncer qu’il accepte de la rencontrer encore une fois, pour donner un coup de main à l’élaboration de son reportage ; or, à la réflexion, la deuxième forme de réponse; c’est- à- dire, mettre tout ça dans une lettre écrite envoyée directement à elle, sans passer par son ami libanais, lui semblait un procédé tout à fait simple, même plus long . Il a fini donc par écarter la conversation téléphonique, problématique à ses yeux, afin d’éviter, en réalité, des questions compliquées posée probablement par cette femme dont ses réponses pourraient , par une bêtise involontaire, compromettre tout; tandis que par l’autre procédé écrit, il serait maître de ce qu’il va aborder d’un sujet net et précis. Enfin, une fois la lettre envoyée, il pourra dormir sur ses deux oreilles . Ouf ! Que cette réponse est compliquée?

Myriam reçu dans son bureau, des réponses complètes pour toute la correspondance faite pour son reportage, la lettre de Nader About Fahd comprise . Une semaine après, elle s’est présentée aux douanes de l’aéroport de Beyrouth .

L’homme de confidence est venu dans le camp pour préparer la rencontre entre Myriam et Abou Fahd. Mais le rendez- vous aura lieu dans un autre endroit fixé par un groupe voisin afin de raccourcir la durée du temps de débat avec les représentants des deux groupes révolutionnaires, faute de temps pour Myriam . Cette forme de rencontre n’a pas plu à Abou Fahd. Il croyait qu’elle avait voulu le voir seul ; mais il a fini par accepter ce fait accompli, avec amertume et agacement .

La nuit , il a rêvé d’elle. Il la vu lui suppliait, sur ses genoux, de la regarder dans les yeux. Elle lui a dit qu‘elle était prête à tout pour l’écouter raconter ses victoires et ses aventures. .Elle lui a pardonné d’avoir couché la veille avec une de ces cantinières qui rodaient dans le camp à la fin de la nuit. Elle pleurait parce qu’il ne l’a pas attendu pour faire l’amour avec elle, après son long voyage depuis Paris .

Il s’est réveillé affolé de ce rêve, en se demandant d’où est-il venu tout ça dans sa petite tête? Il n’avait couché avec personne la veille. Il n’avait jamais pensé à faire l’amour avec Myriam, non plus .

Pendant la rencontre , au début de rendez- vous donné , il s’est fait petit, timide, pas du tout prétentieux. Il a dit que c’était naturel, pour chaque combattant, de faire des sacrifices, au profit des causes nobles qu’il devait croire à fond; que tous ces individus n’en étaient pas mois héroïques que les autres, quels qui soient ;Quant à lui, personnellement, a-t-il précisé, il est toujours prêt à tout refaire si le devoir moral l’exige .Il avait simplement voulu donner l’exemple dans ce monde sublime de se sacrifier pour la gauche révolutionnaire , et c’est seulement à titre de rappel d’un
-- 19 --

échantillon de ce qu’il a fait dans le sillon de cette participation humble à cet œuvre immense de lutte populaire était son combat de la pleine lune .

Myriam et les autres présents à l’entretien, l’on approuvé!

Hélas ! Encore des mensonges et des mensonges pour celui qui se disait lors de
sacrifier la douzaine de ses combattants( dans d’autre combats aussi), qu’il ne fera pas comme à la marine, que le capitaine du navire échoué doit rester à bord jusqu’au naufrage complet; qu’il ne serai rejeté à la mer qu’après avoir constaté que le dernier des marins aurait quitté le navire . Selon lui, la guerre terrestre ne prenait pas ça à la lettre; les règlements ne mentionnaient pas des choses pareilles. Il sera donc le premier à quitter le champs de bataille, quand un ordre de retrait fusse donné par ses supérieurs ; c’est eux qui devaient avoir la responsabilité d’organiser le retrait , pas lui, l’exécutant .Pourquoi pas alors, ne pas se retirer avant les autres si les règlements ne l’interdisaient pas ? Quant à la moralité, il s’en fiche . Que les moralistes se moralisent tout seuls ! C‘était ça son principe à lui, il se rassurait tout seul, hors de tout embêtement de qui se soient.

Alors pour Myriam, pensait-il, , elle n‘avait qu‘à écrire ce qu‘il disait pendant la rencontre, sans se soucier de vérifier ,ni même songer à le faire, si c‘était vrai ou faux .

Myriam lui a dit, a la fin de l’entretien , qu’elle était très impressionnée par ses phrases franches et crédibles . Ses merveilleux mots, ses belles descriptions de la vérité des combats, a-t-elle dit, seraient à la tête de son reportage. Elle l’a embrassé fort en lui rassurant qu’il serait très heureuse de le rencontrer un jour à Paris, s’il a l’occasion. Elle lui montrera, pendant son passage, les monuments historiques et culturels de cette ville merveilleuse; peut-être pour oublier les malheurs de la guerre civile et les soucis qui en découlent .Il faudrait, a-t-elle insisté, qu‘il respirait un peu !

Nader Abou Fahd pris la parole de Myriam à la lettre.

Deux mois plus tard il a quitté définitivement le camp, sans prévenir personne, même ses parents, et pris l’avion pour Paris !




Chapitre 5

Avec ou sans Myriam


A son arrivée à Paris, Nader a vite compris qu’il s’est trompé; qu’il ne s’agissait pas du tout de ce qu’il imaginait. Myriam était une fille gentille, généreuse, accueillante, mais elle n’était pas du tout éprise de lui; elle n’avait aucun sentiment autre qu’une entente mutuelle , arrivant jusqu’à la connivence dans leurs idéologies et dans le monde des idées; sur des questions communes, de tendance politique, des matières de média; même d’amitié personnelle, si on voulait, mais pas plus. Absolument, pas plus .

Elle l’avait embrassé quand elle l’a vu à l’aéroport ; mais embrasser personne ne valait dans le langage français que des mots comme Bonjour, Bonsoir. Elle l’avait conduit dans un hôtel où, elle a réservé chambre, à un seul lit, pour lui. Puis, elle l’avait quitté tout seul dans sa chambre minuscule, un peu froide, cinq minutes après avoir vérifié que tout était acceptable à l’hôtel. Seulement, elle lui avait dit qu’il faisait tard, qu’il fallait qu’il se repose, et qu’elle viendra ou téléphonera le lendemain matin. Elle l’avait embrassé encore une fois, en lui souhaitant bonne nuit. Elle fera ça, sans doute, dans les prochains jours, à chaque fois qu’elle le verra ou qu’elle le quittera .

Lui, rusé et habile, malgré la passivité et la froideur de Myriam en matière d’émotion amoureuse, il a poussé au maximum les conséquences de leur amitié. Il a compris d’abord, qu’elle est d’une famille riche et influente, que son père est un industriel important, que sa mère est membre d’un parti conservateur, contrairement à elle- même, sa fille unique; qu’elle s’entende bien avec ses parents malgré tout. Or, il a eu le sentiment ,voire l’assurance que Mariam pourrait ensuite lui aider à obtenir une carte de séjour, de trouver un travail pour lui. Il pensait ainsi s‘installer en France pour longtemps ou pour toujours, sans rapport avec un lien amoureux existant à présent ou dans l‘avenir . Il veut faire un vie à Paris, pour lui, avec ou sans elle .

Il la voyait deux fois par semaine, pendant le premier mois de son séjour, abordait avec elle, en grande partie du temps passé, des sujets concernant ses besoins et ses projets , ce qu’il lui manquait ,ce qu’il lui gênait, ce que il lui fallait . La ruse et l’intérêt dominaient l’essentiel de son discours habituel . Il pourrait obtenir tout
-- 21 --

d’elle, s’il veut; sauf un regard à un sens particulier, une certaine tendresse qu’il a songé, certain jour ,qu’elle pourrait lui accorder . Il a bien saisi la différence entre amour et amitié, qu’il ne faut pas mélanger entre les deux ,ni rechercher à les réunir,ni essayer l’artificialité de les égaler.Il faut vivre avec cette situation, malgré se sentir amoureux d’elle, sinon il va tout perdre . .
Une fois, il a voulu profiter de son week-end à elle, pour aller en sa compagnie dans les alentours de Paris. Une idée comme ça, pour comparer la nature pittoresque française à celle de son pays .Elle trouva mieux d’aller dans une résidence secondaire que ses parents possèdent près de la ville de Versailles, à côté d’une usine de son père, submergée par la verdure d’un jardin artificiel arrangé et soigné par sa mère. Ce n’était pas vraiment ce qu’il voulait voir . Tant pis .

C‘était une journée bien ensoleillée du mois de Mai. Le jardin de la résidence était également fleuris et découvert . Il se sont allongé sur le gazon tiède, regardant le ciel bleu et les oiseaux migrateurs qui passaient à cette saison par la région en vagues séparées .Il a dit qu‘il ressemble, lui- même, à ces oiseaux ,qu’il a envie de s’envoler et aller loin avec eux ; alors Myriam lui a répondu qu’elle pensait il voulait s’installer en France, alors pourquoi aller plus loin ? Il a souris et répondu qu’il a voulu dire aller par l’esprit, par l’imagination à des endroits inconnus. Elle l’a fixé par ses yeux et ajouté avec un air inquiet «  Tu n’es pas heureux à Paris? A tu la nostalgie déjà de ton pays? » 

-- Tu a mal compris ce que j’était en train de dire. Je n’ai pas l’intention de retourner au Liban, si les choses continuent à s’arranger . Ton père ne peut pas trouver un poste pour moi dans cette usine à côté? cet endroit me plait beaucoup.
.
-- Est-ce vrai ce que tu dis?
-- Bien sûr que oui. Tu m’avais dit que ton père fabrique des fusils de chasse; alors qui peut être mieux que moi pour ce travail ? J’ai une bonne expérience en la matière, si tu ne connais pas.
--Je vais en parler avec mon père la semaine prochaine .

Cette conversation qui semblait naïve et spontanée était , en fait, bien méditée dès qu’il a vu les signes de richesse de ses parents, de plus près .

Elle lui a proposé d’aller nager dans la piscine municipale de Versailles .Il lui a dit oui, mais il avait du mal à quitter cet endroit formidable qu’il l’a mis dans un beau rêve: il va travailler avec le père de Myriam pour avoir un lien plus fort avec cette famille qui a une grande maison de campagne et une véritable usine, comme on les voit à la télévision; mais il a fini par soulever son corps lourd et aller prendre lentement la voiture de Myriam garée à l’intérieur même de la propriété .

A Versailles , le soleil est devenu plus chaud .Il a pu contempler de près, dans la piscine découverte, les épaules dénudées de Myriam, brûlées à leurs extrémités, comme les côtés rougeâtres des deux pommes restées encore accrochées à leurs branches. Étendus, côte à côte, sur les carreaux du solarium, légèrement tièdes, ils
-- 22 --

fermaient les yeux dans une pensée presque commune; leurs ventres se crispaient, de temps à autre, par la brise fraîche venant de l’ouest .

Une demi heure plus tard, Myriam s’est soulevée en criant «  Ah! Il aurait été beaucoup mieux de rester dans notre jardin, bien abrités dans des coins ombragés des arbustes ! Laissons nous y retourner », Nader compléta sa phrase en riant « dans le paradis des oiseaux chantants qui se refusent le retour à leurs nids » faisan allusion à sa préférence d’un retour prompt à Paris; car, en fait, il en avait marre de l’instabilité de Myriam qui voulait bouger tout le temps .

Ils sont allés pour changer leur habits , puis ils ont pris le chemin de retour, à demi silencieux .

Nader n’est pas arrivé à gagner encore le cœur de Myriam : soit parce qu’il ignorait le comportement à suivre vis- a-vis des femmes françaises, soit parce qu’elle est amoureuse d’un autre homme qui était mieux habile que lui. Il ne compte plus sur son apparence phisique, ni sur son passé glorieux d‘un chef de guerre. Tout ça n’est pas conséquent, peut- être, dans ce pays où se trouvent d’autres moyens de séduction que les grands muscles et les prétentions politiques ou professionnelles. Il doit plaire à Miriam par autres choses, autres manifestations ,autres formes et aspects . . C’est une épreuve aussi importante que cercler un village par les armes, prendre des otages, faire disparaître un détachement .

Posséder Myriam sera non seulement son but, probablement sujet d’affection et de désir, mais sa chance exclusive de pénétrer dans une société différente que la sienne, aubaine inespérée dans un pays où tout est possible, mêmement il est aberrant et impensable : une fille peut se présenter comme opposant politique à sa propre mère, une journaliste qui défend la classe ouvrière et attaque le capitalisme et la droite réactionnaire, alors que son père fus un industriel puissant . Toutes ces contradictions peuvent facilement se cohabiter et se coordonner, comme rien ne les sépare ,tandis qu’au Liban on pouvait tuer ou pendre quelqu’un d’ anonyme, de passage par chance malheureuse, à travers un barricade, en s’appuyant uniquement sur sa carte d’identité . Si cette carte était fausse, il serait mort pour un autre homme, invisible, peut-être même inexistant.

Une semaine plus tard Nader fus nommé chef de magasin de fusils dans l’entreprise bien connue dans l’oust parisien : MARTIN CHASSE, détenue en majorité d’actions par la famille Martin. Ce poste ne comblait pas, pourtant, les ambitions de l’héros libanais, mais c’était tout ce que le père de Myriam pouvait donner à un ami de sa fille unique .Le hasard faisait que Nader, quand il était chasseur d‘oiseaux, avait un fusil de même fabrication française du père; une arme simple qu‘il connaissait, les yeux fermés, défaire ses composants et les refaire automatiquement en précision et vitesse records; en plus de sa bonne connaissance supplémentaire, quand il était chasseur d’hommes, de fusils de guerre, que certaines pièces métalliques ou du bois ressemblaient au fusils de chasse bien sophistiqués, même pour certains, inspirés dans leur forme et leur fonctionnement, des armes militaires .

-- 23 --

Dans son nouveau travail, d‘une routine commode et paisible dans l‘ensemble, et contrairement à sa vie dans le camp, où il était plutôt farouche et violent, il est devenu dans le milieu des cadres et ouvriers de l’usine, un homme serviable , souriant et très aimable avec tout le monde

Par cette allure rare chez les responsables des magasins, trop minutieux, pertinents , hagards et peu bavards, il est parvenu dans quelques mois seulement à devenir le meilleur des magasiniers correctes et sérieux .

Est-ce qu‘on pouvait parler dans son cas, et de toute cette évolution psychologique, des mensonges ou des fausses prétentions? Non; mais de la délicatesse, de la ruse, de l‘hypocrisie, de l’arrivisme, oui. Qui peut -il en trouver la différence?

Il a pu sélectionner des amis à l’extérieur de l’usine aussi;dans l’immeuble où il habite, dans les cafés du quartier qu’il fréquente pour prendre son petit déjeuners, ou même dans des salons de thé de prestige où des anciens combattants libanais ou non, , insérant quelques fois ses histoires et ses aventures personnelles, quand la présence des interlocuteurs fus réceptive et crédule .Les admirateurs des mythes ne manquent pas ,même en France.




Les choses sérieuses ont commencé dans le rouage de sa vie parisienne, quand , par hasard, un homme discret, portant des lunettes noires, était assis à son côté dans un café sombre dont les clients étaient moyen-orientaux, dans leur majorité .L’homme ne connaissait pas bien le français et avait certaine difficulté pour préciser au garçon du café son désir de consommation . En fait, il a voulu commander une tasse du thé vert à la menthe bien chaude, c’était simple comme tout, mais le garçon ne comprenait que le mot thé prononcé en arabe, qu’il connaissait déjà le terme, mais pas pour le reste de la phrase. Il avait déjà cherché pour le client étranger un thé rouge ordinaire, mais celle -ci était refusée par le client exigent .

Alors l‘homme aux lunettes noires demanda à Nader ,en arabe,s‘il pouvait transmettre au garçon, impatient et un peu confus , l‘essentiel de ce qu‘il voulait .En attendant le thé ,les deux personnages sont entrés dans des interrogations mutuelles multiples. Dans le temps de quelques minutes , ils se comprenaient mieux, tout les deux, et comme la préparation de confusion spéciale était longue, le temps de chercher des menthes fraîches chez le marchand des légumes dans le quartier, l’indiscrétion gagnait du terrain dans leur conversation. Les propos de l’homme qui était discret et ne l’est plus, avec l’écoulement de ses phrases, étaient tellement intéressant que Nader compris que l’homme cherchait un confident d’une certaine tendance(il lui a donné le nom de cette personne) pour lui demander de trouver des moyens de transport de certaines marchandises. Or, d’après des renseignements précis, l’homme des lunettes noires est arrivé en face du café pour rencontrer le confident ; mais ce dernier n’est venu au rendez-vous et ça fait trois heures qu’il
-- 24 --

attendait debout dans la rue; désespéré, il est entré dans le café pour se reposer. Nader lui dit ,qu’il ne connaissait pas l’homme recherché, qu’il n’a jamais entendu de son nom, mais lui- même pourrait lui donner un coup de main dans cette affaire, en fonction de ses connaissances multiples dans ce milieu, . Il voulait absolument l’aider,a-t-il dis, mais il faudrait pour lui au moins trois ou quatre jours pour donner la réponse voulue. L’homme naïf est pris au piège . Ils se sont donnés un rendez-vous dans le délai demandé par Nader, et se sont soulevés ensemble pour diner quelque part .

Au cours du repas qui a duré jusqu’à la fermeture du restaurant vers minuit, la conversation roulait en termes communs : Matériels de guerre, munitions adaptées, lutte armée, rebelles, capitalisme, impérialisme, libération, Tiers monde, gouvernements sympathisants, aide logistique, etc.… termes que le vieux Abou Fahd connaissait bien hier et aujourd’hui. Le thème principal concernait une question d’armes légères de fabrication russe, achetées dans un pays de l’Est ; sont à acheminer en petites quantités à travers des pays occidentaux dont la France, comme passage obligé, jusqu’à la destination finale, des rebelles dans une région du Sahel africain ! Le problème était que tout a bien passé jusqu’ à maintenant dans toutes les itinéraires, sauf en France où le passeur qualifié a disparu avec les marchandises. Or, l’homme à des lunettes noires est venu à Paris pour chercher des tuyaux capables d’établir les itinéraires, sans ou avec les marchandises perdues .

Nader n’a pas montré en écoutant cette histoire bien compliquée aucun geste d’étonnement, comme d’habitude . Il avait tout beau à savoir de cet homme ce qu’il pourrait être profitable à lui dans des prochaines affaires du genre qui paraissaient très intéressantes, même qu‘il avait peu de chance pour s’en sortir dan le problème actuel .Il faudrait quand même courir sa chance ; tenter à trouver ces tuyaux malgré sa connaissance chétive de ce milieu. Il a y a Myriam, et il peut lui demander conseil,
mais l’affaire lui paraissait louche. Or, lui perdre à ses yeux sera la fin de sa dignité qu‘il a essayé de garder intacte depuis son arrivée en France. Il faut donc chercher la solution ailleurs .

En fait , au rendez- vous suivant, il n’a pu donner à l’homme bizarre qui portait toujours ses lunettes noires, que très peu de renseignements; mais ,lui, avait profité énormément de ses contacts avec certaines personnes qui seraient bien utiles dans l’avenir . Il a eu, en fait, bonnes idées à développer soigneusement . Il aurait tout le temps pour ça, sans ou avec Myriam .



Chapitre 6

La vie à Paris

Voilà six mois passés en France. Six mois, pour Nader, c’est beaucoup et peu en même temps; beaucoup, pour son effort interminable d’adaptation à la nouvelle vie; peu, pour les perspectives de l’avenir. Il est devenu stable psychologiquement et matériellement . L’aide de Myriam était décisive, émané de ce qu’on appèle coup de chance, don du ciel, et le puits jailli devant lui des faveurs et avantages n’est nullement épuisé ; de sa générosité et disponibilité hors commun; il espérait toujours des surprises .

Mais il n’a pas encore gagné son cœur. Il a trente sept ans; elle, vingt huit, et c’est le moment pour les deux de se réunir . Alors, que faire?

Selon lui ,il y a deux procédés ou deux moyens efficaces : D’abord l’argent , mais le problème c’est que l’argent ne manque pas dans la famille Martin : ses parents sont riches et elle-même gagne bien sa vie . Il faut donc être plus riche qu‘eux, c’est une logique de proportionnalité et d’évaluation des poids financiers qui fait un principe universel , dans le passé et actuellement ,à l’échelon des individus et de toutes les sociétés, en montant jusqu’aux entreprises multinationales et puissances étatiques. Les plus grandes puissances politiques du monde ne s’appèlent-elles pas ’’ les pays les plus riches du monde‘’ ? Ensuite l’argent aussi, qui influe sur les qualités par sa quantité, qui faisait du laid très beau , de l’imbécile intelligent, de l’immoral un hommes parfait.

Il sera donc plus riche que les Martin, mais cela prendra du temps; car, d’après lui, on ne peut pas faire semblant dans ce domaine exclusivement dépendant des calculatrices et du mathématique seulement ; tandis que dans toutes les autres matières et professions on peut tromper tout le monde : les bijoutiers, les avocats, les commerçants, mêmes les savants , il y en a d’autres aussi . .

Il a songé aux traditions de certaines tribus dans plusieurs régions au monde, où l’argent n’y compte pas; car, l’homme qui désire de se marier, il kidnappe d’abord sa future épouse, fuie avec elle dans un endroit secret, et impose ultérieurement le fait accompli aux parents de la fille, donc dans un mariage obligé, souvent consenti a posteriori par tout le monde. . Bien entendu ,il ne fera pas ça en France , mais il aurait
-- 26 --

souhaité que ça existe, sans aller en prison, pour mettre fin, une fois pour toute, à son hésitation pénible.

Il a décidé enfin de procéder d’ une chose la plus simple : se présenter à elle
tout humblement, avec une déclaration d’amour, la plus conventionnelle et traditionnelle : ‘’ Je t’aime . Tu veux m’épouser?’’. Si elle a bien accepté dans la situation et les conditions de sa vie qu’elle connaissait mieux que tout le monde; alors, tant mieux; sinon… , il n’en sait rien .

Avoir songé ainsi, lui a laissé, dans ses profonds, un sentiment de peur plus que de courage, de craintes confuses d’un élève en train de se présenter à l’examen de la fin d’année ; mais il va à coup sûr tenter sa chance .

Myriam travaille plus tard dans son journal que lui à l’usine ; alors en sortant de son travail ,il a téléphoné à elle, dans son bureau directement, pour demander s’il pouvait la voir le soir même pour aborder avec elle une question importante. Myriam était vraiment surprise par cette demande. Il n’est jamais venu à son travail; il n‘a jamais omis de dire la raison de leur rencontre.

Quand il est arrivé, elle était toute seule dans son bureau en train d’écrire un article pour la semaine prochaine . Il est entré avec un air sérieux , un peu craintif. Il a demandé s’il pouvait fumer; il s’est excusé de la déranger; puis il la fixé dans les yeux et lança sa déclaration beaucoup plus brève qu’il ne pensait . Surprise, son crayon qu’elle l’a oublié accroché à ses doigts est tombé par terre . Elle ne l’a pas ramassé;mais secoua sa tête, en réfléchissant à ce que Nader vient de lui prononcer.

Une minute de silence, puis elle lui a dit : 

-- Je vais réfléchir . Donne -moi un délai de deux jours.

Il lui a répondu machinalement , avec un air résigné, plutôt empêtré:

-- Prends ton temps, je ne suis pas pressé.

La réponse définitive de Myriam à sa demande de mariage, n’est donné affirmativement qu’après deux mois. Ils se sont sortis ensemble plus qu’avant . Elle a fait l’amour avec lui plusieurs fois, comme si elle a voulu le tester à l’échelon sexuel; mais cela lui était complétement égal, il était satisfait sans avoir aucune intention, ni avant ni après, de faire des tests pareils de cette façon là . Seulement elle lui a demandé s’il préfère qu’on fasse un enfant avant le mariage ; il a dis non, très confus lors de cette proposition bizarre; mais, en réalité il ne souhaite pas avoir d’enfant du tout dans l‘avenir. I s’est rappelé de ce qu’ Al- Maarri, le grand poète et philosophe arabe, disait pour sa venue dans le monde : ‘’ C’est cela que mon père m’a affligé ; moi, je n’ai jamais fait du mal à personne ‘’.

Lors des cérémonies du mariage, Nader a rencontré, pour la première fois, ses beaux parents: le père était un homme petit efflanqué, de moins de cinquante
-- 27 --

Kilogrammes, malgré sa richesse et son aptitude de manger à sa faim quand il voulait; la mère, au contraire, était grosse, qui aurait assez profité, ce dernier temps, de l’argent de son mari pour se nourrir bien et gros , songeait-il, en s‘amusant pendant la lourdeur des cérémonies ,trop longues, à la cathédrale Notre- Dame de Paris. .

Puis, c’était le père qui a choisi un des grands appartements qu’il possédait dans un quartier chic à la capitale pour loger les nouveaux mariés. Myriam, quant à elle, aurait préféré louer un appartement plus petit , facile pour le ménage et plus proche de son travail . Elle est jeune encore, pensait son mari, l’air agacé, mais elle a droit d’avoir tels caprices ou préférences juvéniles,autant q’elle est la fille prodigue de la famille .

La vie nouvelle a d’abord commencé, pour Nader, par sa nomination inattendue, comme ‘’directeur adjoint du personnel’’ , dans l’usine. Mais le véritable décideur dans ce service était le directeur lui- même, pas l’adjoint . Le chef de l’entreprise, père de Myriam, avait honte, peut-être, de voir son gendre travailler toujours, ou pour longtemps, comme un simple employé au magasin! Il n’était pas fâché, lui, outre mesure pour ça, parce qu’il gagne dans ce nouveau poste presque deux fois et demi de ce qu’ un vieux chef du magasin puisse toucher .

Peu de temps plus tard, il a reçu dans son bureau un des cadres de certaine importance dans l‘usine, un homme assez âgé, de cinquante cinq ans à peu près, qui occupait avec dignité et respect du tous, le poste de ’’directeur des ventes’’ .Il s’est dis, toute de suite, que c’est ce poste là qui l’intéressera et qu‘il lui faudra pour l‘avenir, car il aura affaire et contact permanent avec les personnes qui représentent la possibilité de donner un certain éclairage sur la vente d’ armes en général, et pourquoi pas des armes légères comme celles qui intéressaient l’homme à lunettes noires , par exemple. Il parlera de ça avec Myriam, sa confidence, et chère épouse .

Les ambitions de Nader ne s’arrêtent pas là, elles n’auront pas de limites , sinon pourquoi devenir le mari d’une fille comme celle -là, ayant un trésor comme ce père, chef d’entreprise et décideur de tout.?


Il est resté jusqu’ici sans influence à l’intérieur de l’usine, dans l’attente des évènements nouveaux; mais à l’extérieur, il a commencé à se faire des amis étrangers aux affaires de l’usine , à côté de ceux qu’il a rencontré dans le service des ventes et qui les a sélectionnés pour les contacter à l’insu du directeur, dans les lieux mêmes de travail, ou les trouver dehors plus tard .. Il profitait ,en fait, des quelques instants de courts bavardages avec eux, avant d’entrer chez le vrai directeur ou en sortant de chez lui; de tirer leurs adresses et leurs numéros de téléphone marqués sur leurs cartes de visite ou leurs correspondances échangées ultérieurement avec le service, s’ils n’avaient pas donné ces renseignements précieux et importants, à lui directement . .

Il a fréquenté, en plus, des cafés et salons de thé connus par leur clientèle des pays de pétrole arabe et autres moyen- orientaux ou africains qui avaient le vent en
-- 28 --

poupe, pour dénicher ce qui est en rapport avec les armes , légères d’abord, puis en plus grands calibres, plus tard. Il voulait être un véritable marchand d‘armes et avoir beaucoup, beaucoup d‘argent..

A l’usine il est resté impatient, désintéressé par son poste d’adjoint, pas principal, donc pas important du tout . Le temps de quelques semaines il a effectivement parlé avec Myriam de ce poste de ‘’directeur des ventes‘’, qu’il trouvait celui qu’il occupe, assez vieux et fatigué dans ce service pénible, surtout qu’il est proche de la retraite; donc, selon lui, agissant comme directeur adjoint de personnel, il fera mieux de partir à la retraite ou avoir un poste moins débordant. Il est prêt,a-t-il dis, franchement, à assumer la responsabilité de ce service, vu sa compétence en matières des fusils de chasse en général. Myriam, n’ayant aucune idée de ce qui se passe à l’usine, elle a accepté d’en parler avec son père à la prochaine visite familiale ..
En attendant, la vie conjugale marchait à la perfection , malgré que les deux
époux n’avaient pas beaucoup de temps pour se trouver ensemble tous les soirs, à cause de la différence entre leurs heures de travail et surtout en fonction des sorties en hommes seuls en harmonie avec son planning personnel de futur commerce d’armes .Il n y a que les dimanches où ils pouvaient se promener ou aller visiter des connaissances communes peu nombreuses, rarement les parents de Myriam .

Un jour, Myriam venu lui dire qu’elle a décidé de poursuivre ses études supérieures de sciences politiques, en accord avec le chef de rédaction du journal , sans être obligée de garder une présence permanente à son bureau .Le mari , toujours prétentieux et sûr de lui, n’était pas inquiet de cette décision de sa femme . Il lui a dis qu’il se félicite de cette poursuite d’études en matières de sciences politiques parce qu’elle permet à elle de le mieux comprendre en tant d‘ex-combattant. Quant à lui, il considérait personnellement que les études académiques théoriques ne l’intéressent pas , que ses visions de l’avenir de ses occupations sont au delà de ça . Sa femme a avalé ces injures avec amertume .Elle n’ pas fait de commentaires .

Le décalage intellectuel entre les deux époux commence à s’élargir , mais Myriam, intelligente , douée et ambitieuse s’est résolue à continuer son chemin
malgré les remarques gauchement prononcées de son mari .Elle n’a pas hésité, malgré tout, à parler ardemment avec son père de la proposition particulière de Nader concernant le directeur de service des ventes à l’usine .

Le père a accepté encore une fois la supplication de sa fille pour cette demande exagérée de son gendre ; mais il lui a promis que ça ne se répétera plus ..



Chapitre 7

Indépendance et éclatement





Il n’était pas facile pour Myriam de concilier entre deux climats différents et contradictoires; celui d’un mari devenu extrêmement pragmatique, de plus en plus épris d’une montée rapide dans les affaires, oubliant en quelque sorte son état d’esprit d’un combattant de gauche révolutionnaire, rebelle farouche pour la valorisation des causes nobles et désintéressées… et celui des connaissances approfondies des notions politiques , philosophiques et sociales qu’on examine à la loupe dans les cours de l‘université, sous un éclairage nouveau de l’interactivité des mouvements culturels et idéologies de fin de vingtième siècle.

Sous le titre’’ Les analyses casuistiques du fondement de la révolution’’, de son projet de thèse du doctorat, elle a commencé à parler, surtout, des mouvements révolutionnaires depuis la fin de la deuxième guerre mondiale dans la région du Moyen Orient, Egypte, Palestine, Syrie, Irak, Iran et leur corollaire dans la guerre civile du Liban éclatée en 1975. C’est un sujet qui explique le déroulement des évènements, leurs réactions et leurs conséquences, et qui, d’un autre côté, contredit les dogmes figés de son mari dont la réflexion et la mémoire, s’arrêtaient à la date d’obtention de son baccalauréat. C’est vrai qu’elle a admiré chez lui ses élans, son allure révolutionnaire sympathique, son enthousiasme et son courage, mais pas jusqu’à accepter son ignorance des fonds des choses, des bases évolutives des idées, d’authenticité des actes et leur crédibilité rationnelle.

-- 30 --

Son professeur qui soutient sa thèse était un homme charmant dans ses cinquantaines, brillant d‘esprit, franc et généreux. Il lui a ouvert les yeux sur tant de sujets qu‘elle croyait vrais, alors qu‘ils étaient faux et vis versa. Il était, sur ce plan,
le contraire de son mari qui ne distinguait jamais entre ces deux oppositions ; en plus, il se fâchait quand on essaye de lui corriger une idée fausse, alors quand on avait raison de le faire. D’une mentalité virile orientale, il n’arrivait pas à ajouter des qualités nouvelles qui devaient être acquise dans sa nouvelle vie, en Occident, marié à une femme française cultivée, qu’elle l’a accepté, avec l’assujettissement parental obligé parce qu’elle a consenti, elle-même, leur fille unique, ce mari de nature et de culture différentes .

Sa fuite en avant d’une situation embarrassante dans la vie commune avec son mari, se représentait par la recherche d’une indépendance intellectuelle exigée
inlassablement à l’extérieur du foyer . De toutes les façons, lui, le mari indifférent et indépendant par nature, n’était pas de meilleure conformité aux exigences de la vie conjugale. Il s’absente trop, il a toujours l’esprit ailleurs, il dit des bêtises et ne se rétracte jamais. On dirait un autre homme peu attentionné, égoïste et faux .

Un jour il a reçu un ami qu’il n’a pas vu depuis qu’il ait quitté son pays . Pour lui, c’était une trouvaille, un camarade de lutte révolutionnaire d’antan, qui vient lui apporter les meilleurs souvenirs et les nouvelles de ceux qu’il connaissait , vivant ou morts, après son départ . Il a voulu le voir tous les jours , puis il n’a pas hésité à l’ inviter à s’héberger quelques jours chez eux, dans leur chambre d’amis , pour économiser le temps d’aller le chercher ou l’attendre arrivé avec toutes ces lenteurs du transport parisien .

Elle n’a pas pu refuser le fait accompli imposé par son mari ; mais elle s’interdisait à avoir un accès à leurs débats politiques, à écouter tous leurs souvenirs de guerre, à se mêler à leurs histoires personnelles; mais elle a découvert en les entendant de loin que l’ami avait des bases solides de principes et d’idéologies au cours de leur conversation .

Elle a donc fini par pardonner son mari pour cette situation imprévue résultant de l’invitation prise sans demander son avis. Le camarade se montrait, sous ses yeux, jour après jour, un véritable révolutionnaire aux idées claires, développées et authentiques, différent complètement de son mari . Il savait de quoi parler, en véracité étonnante des dogmes et d’histoires révolutionnaires. Il lui a même offert des données intellectuelles modernes et récentes qu’elle ignorait totalement. Il est devenu dans quelques jours une de ses références pour l’élaboration de cette thèse. Elle lui lisait, pendant l’absence de son mari les derniers chapitres de sa thèse en demandant son avis. C’est elle qui souhaitait maintenant la prolongation de son hébergement, plus que son mari aurait voulu. Cet intrus est devenu indispensable pour elle, et il sera difficile de se séparer de lui.

Le mari s’est félicité de l’accueil qu’elle a réservé à son ami, et les trois sont ravis de cet état des choses. Elle a commencé à accepter mieux son mari pour le fait d’avoir montré la générosité et la bonne entente avec cet ami commun présent.
-- 31 --

Pour consolider l’entente et l’amitié avec cet intrus intéressant, elle a proposé à son mari d’inviter à diner son maître de thèse pour lui faire connaissance à cet homme exceptionnel dont le savoir de certaines notions entre bien dans le sujet de la thèse, même il peut l’enrichir de plusieurs détails.

Nader s’est pourtant trouvé, pour la première fois, étrange à la discussion entamée entre son ami d’un côté et le professeur ou sa femme, de l’autre côté, à un très haut niveau intellectuel, ce qui a créé un creux dans son cœur.. Il s’est senti écarté, en quelque sorte, n’est pas écouté, n’est pas applaudit, n’est pas admiré comme il attendait de tous.. Il préférait des entretiens à deux, lui et son ami, pour éviter de telles conditions humiliantes.. Il n’a pas reconnu, non plus, sa femme parler avec l’un ou l’autre des choses qu’elle n’avait jamais abordées avec lui, quand ils se trouvent chez eux ou pendant leurs promenades à l’extérieur.

Myriam a remarqué l’embarras de son mari ; surtout quand son ami disait qu’une nation qui subit plusieurs défaites consécutives accepte souvent la glorification de certains combattants falots qui ne la méritent vraiment pas , mais elle a besoin de ces faux héros pour camoufler sa déception ; tandis que les véritables héros devaient être ceux qui ne participent pas à la bataille mais ceux qui la gagnent . Nader a réfléchi longtemps après avoir écouté cette phrase pertinente . Myriam a parlé d’autres choses pour adoucir le débat et changer de sujet.; elle adressait la parole, à plusieurs reprises , à son mari désarçonné et énervé pour le calmer , même quand elle répondait à un de ces deux invités ,mais il est resté inquiet, solitaire et triste .

Première réaction de Nader, après cette réunion à quatre, était le changement d’attitude vis-à-vis de son ami; Il a regretté que leur heureuse rencontre après tant d’années soit interrompue par cet incident qui lui a coûté cher; mais il était contraint de sauver sa dignité devant sa femmes qui a découvert la faille qui sépare entre eux sur le plan intellectuel . C’est pourquoi il a souhaité s’arracher au carcan de l‘amitié qui a commencé à serrer fort son cœur .Il a inventé des prétextes divers pour s’ absenter à la maison , tarder son arrivée le soir parce qu‘il avait de quoi l‘occuper beaucoup, et pousser son ami , par conséquent , à partir .

Il n’a pas pensé une minute , que laisser sa femme et son amis seuls à la maison aura beaucoup plus d’embarras et des conséquences fâcheuses sur la vie de couple que son agacement de cet être trop cultivé .. Il était sur ce plan , très confient et
Sûr de lui .

Quant au professeur, il a dis à sa femme que c’était un homme arrogant , opiniâtre et borné … qu’il voulait ne le voir plus .Il l’a rassuré, quand même, qu’elle pouvait le rencontrer à l’université , mais pas chez lui .

Pour se venger de sa femme, il a cru que couper , d’une certaine façon, sa relation avec sa famille pourrait l’embêter .Il a donc décidé de quitter l’usine et se consacrer à ses activités personnelles qui lui rapportent plus d’argent que son père lui donnait comme salaires .. Il est devenu, a-t-il dit à sa femme, très connu dans le
-- 32 --

monde des affaires internationales de commerce(il n’a pas dis de quelle commerce
s’agi -t-il) .

Il était vrai que pendant deux ans il est devenu un marchand redoutable des armes de guerres, achetées, vendues , transportées , échangées licitement ou illicitement , par le billai des corrompus dans les administrations concernées ou par les contrebandiers, commissionnaires ou intermédiaires de toute sorte.

Après les réactions du mari, arrivent celle de sa femme . Elle n’était pas du tout apte d’accorder son consentement sur le départ humiliant de l’ami révolutionnaire, et des injures adressées à son professeur . Elle pouvait, elle aussi , se venger de son mari, en avoir des rencontres avec les deux, séparément ou ensemble, à son insu ..

Ses relations avec les deux rivaux de son mari, sont allées dans une direction nouvelle pas sur le plan intellectuel, mais sur celui de séduction et sentiments de désir et d’émotions . Elle a fini par se donner tantôt à son professeur , tantôt à l’ami devenu son amant, tout en négligeant de plus en plus celui très égoïste , très occupé de soi- même, d’un homme solitaire , prétentieux et ambitieux , d‘un mari trompé .

Cette épreuve nouvelle dans sa vie n’était qu’une réaction spontanée, presque involontaire démunie de toute intention de créer des véritables liens amoureux avec l ’un ou avec l’autre; surtout qu’elle ignorait ou doutait que les deus puissent vraiment être séduits par elle, jusqu’ à unir, par exemple, leur sorts et leurs avenirs ou changer quelque chose de la situation dans son foyer conjugal . Elle continuera de coucher avec son mari s’il souhait et à chaque fois qu’il souhait .








Chapitre 8

Le dernier combat

Nader ne connaissait rien de l’adultère de sa femme;ni avec le professeur, qu’il le croyait incapable d’établir une amourette avec une de ses étudiantes, ni avec l’ami qu’il était de passage à Paris et qu’il n’avait le temps de chercher des aventures , qu’avec des prostituées, le cas échéant .

Rien de pire que l’arrogance d’un homme solitaire immigrée de son pays; représentant un hobereau arraché d’une autre société, d’une autre civilisation, désarmé, désorienté portant avec lui le résidu d’une guerre folle, lancé dans une vie qui ne ressemble pas à la sienne. Il a abusé de tout, entraînant sa femme à le détester, puis à le trahir, restant seul à lutter, dans un milieu incertain de commerce louche, après qu’il a négligé la quiétude d’un travail stable; après qu’il fusse adopté par une famille aisée et généreuse d’une autre race, ne demandant qu’à donner la preuve d’amour à leur fille.

Mais, Myriam , malgré ses réactions allées dans un mauvais sens, n’a pas voulu se séparer de lui ni demander le divorce. Elle a attendu une inversion de courent, un recul du temps, un changement quelconque des conditions.

En fait, sa double trahison adultère ne lui a rendu que du malheur sur le plan intellectuel même et le déroulement de ses études, ralenties par des péripéties hors sujet ;elle était néfaste pour sa stabilité psychologique et morale et pour celle des autres; car, la contradiction entre les trois êtres a abouti à l‘isoler; et éclater les ponts qu’elle avait tendu avec chacun de ses amoureux .

Par exemple, à chaque fois qu’elle réunit les deux rivaux de son mari, pour discuter un sujet qui l’intéresse dans ses études, des conflits éclatent entre elle et l’un de deux hommes .Quand le professeur éclairci ,à juste titre, ses idées académiques profondes et développe ses regards sur la réalité du sujet abordé, elle sentait qu’elle devient moins admiratrice des qualités intellectuelles de l’autre amant; elle se trouvait souvent alliée plutôt au professeur, parce que le jeune amant risquait dans ce cas de s’écarter du niveau exigé par les principes de l’académicien. Par contre ,
-- 34 --

l’amant plus jeune, plus dynamique et pratique, s’imposait sur le plan des expériences et leçons tirées des évènements et faits concrets, et elle était amenée parfois à l’approuver , ce qu’il agaçait cette fois son professeur ,et empoisonnait l’entente parfaite qu’elle tenait à garder avec lui, ainsi de suite . .

Dans les deux cas de ces conflits, elle commençait à avoir l’envie de mettre fin à ses relations amoureuses avec les deux et garder uniquement l’amitié pure, au sens étroit du terme . Que faire donc? Essayer de récupérer son mari qui ne change jamais, ou continuer à sombrer dans les abîmes d’un sort incertain lié à ces deux personnes ?

De toute façon elle était incapable pratiquement à continuer ces relations tripartites, sentimentales, émotionnelles et sexuelles . Elle ne pouvait pas se diviser en plusieurs parties, du cœur et du corps.

Le retour moral à son mari devenu probable sous ses yeux ,si elle est arrivée définitivement à ignorer ses prétentions à lui, si elle le prenait comme il est . Elle pourrait mettre le masque d’indifférence et savoir gérer une incuriosité qui serait , sans doute, utile . . Elle consacrerait ses efforts à terminer sa thèse le plus vite que possible et sortir, par la suite, du cercle qu’elle a créé elle-même autour de son sujet de thèse, où elle a mis multiples éléments, des êtres humains compris, le professeur et l’amant ; puis, une fois sa thèse soutenue, son doctorat accordé, elle pourrait trouver d’autres chemins, d’autres horizons, d’autres sorts .

Un malheur , plutôt deux, sont pourtant surgis pour introduire des changements importants , dans la vie du couple. Son professeur est mort d’une crise cardiaque avant qu’il soutienne sa thèse . Le mari était entièrement indifférent à cela , malgré les difficultés qui s‘annoncent pour sa femme, et son regret de perdre un professeur et ami à la fois. .

Le jeune amant libanais lui a annoncé un prochain retour dans son pays, sans participer même aux obsèques du professeur , sans lui présenter ses condoléances; il a agit mal, très mal .

Tout est allé encore une fois dans le mauvais sens. Elle n’a rencontré aucun soutien moral de son mari, dans les deux cas, resté submergé par ses affaires commerciales compliquées .

Elle a eu, en plus, mal à trouver pendant un délai raisonnable, un autre professeur ayant la compétence et le temps pour reprendre le soutien de sa thèse .Elle a perdu beaucoup de temps et elle va perdre encore .

Cette ambiance pénible a participé à augmenter les soucis de Myriam, affaiblit son système verveux , et poussé l’épouse malheureuse à montrer d’impatience et d’indulgence envers son mari, ce qui a amené, par conséquent, ce dernier à devenir, à son tour, plus violent , plus nerveux aussi au lieu d’apaiser ses souffrances.

Elle a pensé que la vie avec cet homme, insupportable à cette période, est
-- 35 --

devenue impossible. Plutôt le livrer dans un asile que rester avec lui et vivre folle le reste de sa vie; la démence dans un foyer comme le sien pourrait s’avérer contagieuse. Les bagarres éclataient presque tous le jours .Ses parents n’intervenaient pas dans des conflits intestinaux entre les époux , selon les traditions. Le travail dans sa thèse était bloqué à cause de ce climat insoutenable à la maison .Elle avait de quoi charger son cœur, de dépenser beaucoup d’efforts de ne pas souffrir abondamment .

La lutte subsistait entre les deux époux. Il y avait des changement dans leurs habitudes quotidiennes : Chacun dormait séparé . Le mari a choisi la chambre d’amis, là où était hébergé son ex-amant à elle .Il ne mangeait plus à la maison .S’ils se parlaient c’était pour des choses minimes sans importance .

Nader , de son côté, le soit-disant héros , utilisait des actions et des manœuvres dérivées de l’art de guerre : attaques offensives et défensives, surprise , se combattre en retrait…etc. contre les armes logiques et psychologiques de sa femme, le croisement de ses arguments forts et crédibles qui ne manquaient pas de franchise et d’audace, en manifestant une irritation irrémédiable , une colère de diable.

Par contre, Myriam, quand elle était épuisée de cette guerre quotidienne, déclarée, son visage éprouvé par trop d’impatience, devient sans couleur , ni une goutte de sang dans ses veines .Dès qu‘elle entendait des injures ou diffamations, elle donne vie à ses muscles faciaux de bouger dans le sens de faire un sourire moqueur et méprisant..

Trop de haine, trop d’inquiétude, trop de susceptibilité qui rendaient impossible un
retour à une vie normale ordinaire. Ils feignaient de ne pas vouloir finir avec leur mariage, ne pas atteindre le fond de non retour, d’une déception finale et fatale; mais leurs tentatives de désarmer, n’ont pas aboutis, en aucun cas, à les calmer , et la guerre continue ..

Comme cela est classique dans les conflits des couples .O malheur d’être incapables, dans cette fin d’entente conjugale, de chercher la solution convenable . O douleur de rester torturés par un échange interminable d’accusations, de reproches et des gestes incommodes qui irritent.

D’un ton de supériorité, Nader disait à sa femme qu’elle était stupide de se croire capable de l’égaliser . Elle répondait qu’elle ne cherchait qu’à lui convaincre qu’il méritait inéluctablement son mépris , qu’il était indigne d’épouser une femme plus cultivée que lui.., qu’elle n’est pas de ce genre des femmes que lui les rencontrait dans son camp d‘entraînement, des petites guerrières, mélangées à des cantinières et prostituées..

Elle lui a dit , qu’elle a découvert, mais trop tard, qu’il était glorifié pendant son temps de combattant, sans être muni de quoi témoignait sa gloire, sans personne pouvant donner la preuve, même son ami intime n’a pu jamais témoigner, malgré leur connivence, les moindres éclaircissement sur ce phénomène. Il croyait à sa puissance particulière, quand il était héros, mais en face à la vie pratique d’un homme ordinaire
-- 36 --

, d’un époux comme les autres , il devait être plus humble, moins prétentieux .Au contraire, quand il est devenu un peu aisé de son commerce minable, il est devenu plus arrogant, plus violent , plus affreux.

En réalité, il n’était pas entré, ces dernières années , dans une phase nouvelle comme on pouvait imaginer . Il n’est pas devenu plus riche que sa famille comme il pensait gauchement, moins que ça; il a continué a vivre dans le même appartement que son père lui a permis d’utiliser . S’il était vraiment riche, plus riche encore, il aurait acheté un appartement plus grand, plus luxueux .

Nader ne croyait pas à ses oreilles, en entendant sa femme découvrir son véritable caractère et véritable situation. Il a donc décidé définitivement à riposter de la façon la plus violente. Il a traversé les barricades invisibles barrant sa route vers la vengeance. Le règlement de compte avec sa femme est proche.

En somme , Il n’était pas pendant des années de mariage si atroce , mais le voilà maintenant ne rêvait qu’a punir sa femme impitoyablement .Elle le croyait , peut- être, plus faible qu’il n’était . Elle avait essayé, pensait- il, d’avoir sa confiance dans le courent de leur vie, pour sauter sur lui et l’assommer ! C’était elle le bourreau et lui la victime ,pas le contraire.

A présent elle le prends plus faible qu‘il n‘était. Donc, il aura devant lui un choix pénible : soit continuer à vivre avec humiliation permanente de sa femme , soit se séparer d’elle et chercher une autre épouse. Mais dans le premier cas il mourra de ses souffrances et se perdra dans ses doutes pour toujours. Dans le deuxième cas il ne trouvera pas la femme qui l’épouse sur la base de connaissance de ses acquis héroïques et ses qualités d’exception dans le champs de bataille, comme sa femme l’avait fait avant le mariage .

A la fin d‘une soirée pénible pleine d‘échange de chargements mutuels atroces; sa femme , épuisée de lutte permanente interminable, le pria de lui accorder une trêve pendant laquelle elle pourra dormir sans déranger son sommeil. Lui, il est allé dans la chambre d‘amis pour se coucher , mais il passa des longues heures, avant qu‘il fus pris par le sommeil, à préparer pour après, la punition de sa femme qu‘elle serait exemplaire .Il a rêvé cette nuit -là de sa femme guidait , en chef de meute, des loups féroces courraient à ses trousses . C‘était elle qui ordonnait sa mort; les loups obéissaient .

A son réveil , il pensait toujours à la vengeance; bien que sa femme appréhendait, sans doute, son geste, il continuait à dissimuler ses sentiments et ses intentions criminelles, contre cette femme injuste qui ose de lui adresser des critiques et reproches.

C’était vrai ce que sa femme lui prononçait des mots et utilisait des paroles qui ne manquaient pas de justesse, avoué -t-il, mais il ne fallait pas lui dire . Il pouvait maintenant interpréter le rêve de la nuit d’hier : les loups qui le poursuivaient étaient ces mêmes phrases, ces mêmes ordres qu’elle donnait, pour le tuer .

-- 37 --

Les motifs de son crime ne sont pas réellement réunis . Il lui fallait donc plus d’indignation, plus de haine, plus d’empoisonnement de son cœur, plus de ces séquelles des complexes d’infériorité que sa femme tentait de les infliger sur sa conscience .Il fallait qu’il cesse définitivement de vénérer cette femme devenue incapable de lui donner le respect de ses paroles et ses actes .

Il ne s’imaginer éprouver l’indignation. Il n’était jamais impuissant et il faut montrer à sa femme qu’il est toujours virile sous ses habits du héros d’hier . Fermer ses yeux sur les fautes de sa femme, de manquer du respect a ses égards, sera une lâcheté et il n’était pas lâche pendant toute sa vie. Donc, elle doit régler son dus envers lui, lui payer le prix de son imprudence et sa répugnance. Il n’attendra pas longtemps .

Les jours suivants étaient pire que les derniers.

L’heure d’agir a sonné : Pour un combattant héros blessé et humilié, tuer sa femme devint un acte de guerre, un combat contre le mal incarné par l‘humiliation d’une femme. Cela sera son dernier combat. Son cœur sera, enfin, en paix .

Ce qui l’inquiète un peu , c’est de penser que sa femme, dans l’autre monde, va détester son dernier acte qui ne sera pour lui que sauver l’honneur d’un héros embusqué .Or, n’ayant la puissance, ni le pouvoir de changer son caractère entaché d’images menteuses, comme disait sa femme, il se verra amené à chercher une preuve complémentaire, un nouveau témoignage de fermeté et courage que personne n’y songeait . Il a soif à démasquer, dans cette bataille qu’il vient d’y entrer, un visage plus authentique que sa vérité. Personne ne peut l‘interdire, en ce moment, de se réjouir de ce sentiment merveilleux : Il restera un héros, pour toujours ...

Il a tiré un pistolet, caché dans un tiroir , près de son lit. Il est pénétré le salon où sa femme fatiguée, assise sur un chaise, pleurait . Il lui a demandé de se soulever . Elle a vu le pistolet dans sa main . D’un air fable et étonné, elle s’écris de qu’est ce qu’il prends. Il n’a pas répondu ,en s‘arrêtant debout devant elle, cherchant ses impressions et ses réactions . Elle a répété la question en se troublant .

Sourd et insensible aux supplications de sa femme, à ses dernières interrogations, il regardait l’ennemie , enfin, à la portée de son arme; elle sera anéantie. Il ne faut pas donc se réveiller de son songe; il n’est pas obligé de l’expliquer, non plus, à sa femme terrorisée; car, dans chaque mariage, croyait -il, il y a une zone de haine, cachée à l’intérieur des époux, qui diminue ou s’agrandi en conformité avec le temps qui passe. C’est toujours payant obligatoirement, et la haine devient dans la plupart des cas, une partie intégrante, voire un remplaçant de l’amour qui devait exister chez eux . Les deux passions, la haine et l’amour, sont inséparables, de même nature; deux faces de la monnaie . .

Le pistolet toujours dirigé vers le cœur de Myriam. Elle avait les yeux égarés, le visage blanc, les lèvres gonflées, entr’ouvertes de la peur. Elle pensait qu’elle
-- 38 --

pouvait sauter d’un long bond et pris la gorge de son mari, arracher ses yeux,; mais elle s’est contenté de tendre ses bras en écran, à mains ouvertes , pour se défendre.

Il a tiré une fois , deux fois et Myriam est tombée ; étendue par terre , couverte du sang rouge encore chaud, pas toujours épais et gluant comme ses victimes réelles ou imaginaires d’antan, quand il était héros .

Il a entendu des chuchotements dans ses oreilles; ce n’était que le bruit des glas sonnaient aux coups tristes et répétés annonçant la mort de son âme . Comment pourrait -il vivre sans la l’amour ou la haine de sa femme ? Qui resterait d’elle pour lui rappeler , volontairement ou involontairement, qu’il était héros.?

Il a besoin de son amour, il a besoin de sa haine, il a besoin de refaire leur vie sans toucher à sa dignité, à son amour- propre, à ses songes et rêves .

A la réflexion d’une minute , qu’il la crue un siècle , il a tourné son pistolet encore chaud à cause du tir des dernières balles sur sa femme, cette fois vers lui-même, et appuyé sur sa tempe . Une balle traversa sa tête, mettant fin à son existence








Fin .
.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire